Gangeek Style a réussi à interviewer une autre star de la figurine : Thomas David. Sculpteur et peintre depuis quelques années, il en a fait rêver plus d’un avec ses créations audacieuses, sortant de l’ordinaire. Il répond à nos questions en toute simplicité et partage avec nous son parcours et son expérience. Vous pouvez retrouver toute son actualité sur son blog. L’équipe de Gangeek Style tenait à lui exprimer toute sa reconnaissance pour sa participation.
Même si tu es hyper connu, peux-tu te présenter pour les profanes ?
Hyper connu, je ne pense pas ! Un peu connu oui sûrement même si mon nom ne parle pas aux plus jeunes.
Thomas David officiellement, David Thomas la plupart du temps. Je suis sculpteur et peintre pro de miniatures depuis 2002 même si je suis dans cet univers depuis le milieu des années 90. Comme ça ne me rajeunit pas (j’ai 35 ans), je vais enfoncer le clou en disant que vis à Nantes, que je suis marié, que j’ai deux filles magnifiques (6 ans et 6 mois) et que j’ai même une maison à moi (enfin à nous avec ma femme). Comme quoi, on peut prétendre à une certaine « normalité » même en étant sculpteur de petits bonshommes. Eh oui, on est loin du cliché du « Gollum » qui vit dans des caves humides pour assouvir sa passion. Dingue non ? Et en plus je fais du sport.
Ça c’est pour le coté personnel. Pour le coté professionnel, je travaille comme freelance pour de nombreuses sociétés de figurines (Privateer Press, Soda Pop, Mierce Minis, Studio Mc Vey, Cipher Studio, Smart Max, etc…) mais mon client principal c’est Adam Poots, créateur de Kingdom Death.
Vous pouvez voir mon travail sur mon blog.
Enfin, sur mon temps libre je m’amuse à développer une petite gamme personnelle, Agora Miniatures. Pour respirer et me sentir complètement libre de temps en temps.
Comment as-tu découvert les figurines à peindre et à collectionner ?
J’ai la chance d’avoir deux frères dont un jumeau ce qui fait que je ne me suis jamais ennuyé dans mon enfance. Et pour Noël on a eu des cadeaux communs plus d’une fois. Jusqu’à cette fameuse année ou Heroquest figurait dans nos envies et qu’il s’est retrouvé au pied du sapin. On y a beaucoup, beaucoup joué. J’ai commencé à peindre toute la boite avec nos peintures Humbrol, jusqu’aux extensions même.
Ensuite, un ou deux ans après (je ne sais plus très bien) je suis tombé par hasard sur le White Dwarf français numéro 3 et là ce fut le gros déclic. C’était les vacances d’été, mon anniversaire. J’ai commandé des nains en VPC et c’était parti ! Au début c’était juste pour peindre, ça changeait du dessin et puis mes frères m’ont rejoint en voulant jouer…la machine était lancée.
Tu t’es fait remarquer avec ton niveau de peinture et ton niveau de sculpture complètement hallucinant. Comment as-tu développé ce style si particulier en particulier en peinture ?
Ce que je sais c’est que dès le début j’ai aimé peindre de façon propre, avec de beaux dégradés bien faits. Même pour faire des monstres. En peinture on appelle ça un style « léché ». C’est vrai qu’au début j’ai suivi les conseils que prodiguait Mike Mc Vey dans White Dwarf, j’étais plus à coller son style à lui plutôt que celui de John Blanche. A force de peindre encore et encore (à un moment je peignais mes figs ainsi que celles de mes frangins) ma technique s’est affinée. Ensuite, j’ai toujours cherché des schémas de couleur cohérents (voire sobres) sur mes pièces afin de les rendre toujours bien lisibles. J’ai plein de petites astuces mentales qui marchent bien.
Il n’y a évidemment aucune vérité absolue dans ce que je dis, ce n’est pas une parole d’évangile.
Pour la sculpture c’est différent. Il a d’abord fallu coller à un style très propre pour faire des figurines faciles à peindre. Dans la première entreprise ou j’ai travaillé (j’y reviendrais) on faisait les figurines des Chroniques de la Lune Noire (BD assez connue de Ledroit et Froideval) donc on peut dire que le style de cette BD a influencé mon apprentissage de la sculpture. Je sculptais exclusivement en Milliput, c’était long et fastidieux parce que je n’étais pas encore très à l’aise mais ça a été très formateur !
Maintenant, en étant freelance je dois dire que j’essaye avant tout de coller au concept que je reçois, parce que je trouve ça très intéressant de mettre en valeur la vision du dessinateur. Ce qui fait que mon style doit s’adapter en permanence, ça évite la routine.
Comment en es-tu venu à la sculpture ?
La transition entre peinture et sculpture avait été amorcée via mes conversions pour les concours en 1998 et 1999.
J’y suis venu assez naturellement parce que la personne qui allait devenir mon premier patron avait besoin d’élargir son équipe de sculpteurs en vue d’une création d’entreprise (Ilyad Games). J’ai donc commencé en 2000 je crois avec un archer d’Heraklyn, une des (trop) rares armées originales du Retour des Dieux. Armée que j’ai bien aidé à développer.
Comment as-tu réussi à en faire ton métier ?
En me faisant repérer via les concours. Il faut dire que j’ai eu droit à une bonne exposition (plus de détails à suivre).
En travaillant énormément, pour pas grand-chose au début. Et surtout en cherchant sans cesse à m’améliorer. Avec des bons conseils et de bons partenaires aussi. J’ai eu la chance d’avoir participé à l’aventure Ilyad Games qui malgré les problèmes rencontrés a été une expérience très instructive dans pas mal de domaines. Il y a aussi le fait que depuis mes 20 ans je travaille avec Jacques-Alexandre Gillois. C’est même moi qui l’ai embarqué dans l’odyssée Ilyad d’une certaine façon vu que j’avais le plan pour nous faire bosser en parallèle des études. C’est dingue ce qu’on peut obtenir avec une bière !
Il y a toujours eu un grand respect et une saine émulation entre nous deux et nous avons été systématiquement complémentaires dans les entreprises dans lesquelles nous avons bossé (Ilyad et Asmodée). Il a toujours été plus efficace en sculpture et moi en peinture, ça nous a beaucoup aidé dans nos plannings de travail.
Maintenant encore, même en freelance, nous travaillons pour les mêmes clients. L’histoire est ainsi faite, je ne sais pas si nous serions allé aussi loin dans ce petit domaine si nous avions été chacun de notre coté…
Quand MIKH nous a rejoint chez Asmodée le niveau de détails de ses travaux était tellement élevé qu’il a bien fallu suivre aussi, c’était une bonne remise en question!
Et je n’oublie pas notre regretté Bruno Grelier qui était là, à nous regarder et donner son avis avec des discussions toujours constructives. Quand il aimait bien ce qu’on faisait il nous disait pourquoi, quand il n’aimait pas il le disait aussi, mais toujours avec le sourire !
Quels conseils donnerais-tu à une personne qui voudrait se lancer dans cette aventure ?
Ne pas s’isoler (avec internet c’est facile) et bosser sans relâche, toujours finir un projet pour en commencer un autre en vue de s’améliorer par rapport au travail précédent. Finir une sculpture ou une peinture c’est bien, ça permet de placer un curseur à un moment donné et de passer au projet suivant en évitant un éventuel blocage psychologique inconscient. En essayant d’analyser son travail avec l’aide de quelqu’un si possible pour avoir un œil extérieur qui aide à prendre du recul.
Quand on commence on a aussi tendance à travailler pour pas grand-chose, mais il faut essayer de valoriser son travail. C’est comme ça que ce milieu deviendra de plus en plus pro.
Il faut voir ce qui se fait ailleurs en évitant toute jalousie parce qu’il y aura toujours quelqu’un de plus talentueux.
Ensuite il faut « vraiment » en avoir envie car cela reste une pratique assez solitaire, on ne peut échanger correctement que sur un travail fait. Rester assis concentré sur une figurine pendant plusieurs heures n’est finalement pas à la portée de tout le monde. Et il faut passer énormément de temps au travail pour que ça avance. Il faut beaucoup de volonté, de patience et d’abnégation pour faire ce métier. Il est passionnant mais n’est pas si facile.
Mais quand on est passionné on compte moins, les sacrifices sont plus faciles.
Quelles sont tes inspirations ?
Au début j’étais complètement estomaqué par le travail de Games Workshop, comme beaucoup. Mike Mc Vey en peinture et Jes Goodwin en sculpture étaient mes références. Ensuite Brian Nelson est aussi arrivé et a fait de super figurines. Et il ne faut pas oublier les illustrateurs comme Mark Gibbons, Karl Kopinski…Les couvertures de leurs livres m’ont souvent donné des idées. Quand la société Rackham est arrivée sur le marché avec son style bien à elle il était très très intéressant de suivre leurs sorties.
Du coté BD j’étais fan de Olivier Ledroit donc faire les figurines des Chroniques a été un privilège extraordinaire.
Ensuite, avec les études je dois dire que l’art en général m’a beaucoup aidé (j’ai étudié l’Histoire de l’art). Cela va de la peinture au cinéma, tout est bon pour le cerveau et la créativité !
Même la musique m’aide à trouver une humeur particulière quand je travaille !
Et bien évidemment je regarde ce qui se fait dans le domaine, il y a toujours de belles pièces qui sortent régulièrement.
Quelles sont tes techniques de peintures et de sculptures ?
En peinture, comme beaucoup je pratique les lavis successifs avec des peintures acryliques très diluées…rien d’extraordinaire. L’aérographe est un bon complément aussi. Je pars toujours d’une sous-couche blanche parce que je suis un peintre de la « lumière ». J’aime les couleurs riches et lumineuses associées à des schémas de couleurs harmonieux, c’est-à-dire que je me limite en termes de palette de couleurs. Les figs rouges/ bleues ce n’est pas trop mon truc.
En sculpture je travaille avec un mélange en Fimo/Super Sculpey Firm ainsi que le Magic Sculp quand j’ai besoin de pate époxy. C’est ce qui me permet d’aller le plus vite. Sur mon armature de fil de fer je place l’ensemble des volumes de ma figurine. Plus précisément je fais d’abord l’anatomie que je viens habiller et je fais ensuite les détails. Je fais souvent ces derniers de bas en haut, ça évite d’abimer le travail déjà fait.
Dans quelques temps il va falloir apprendre la sculpture digitale. Je ne m’y suis pas encore mis mais ça va venir.
As-tu présenté des figurines à des concours ? Comment ça s’est passé ?
Ho oui ! En 1998, 1999 et 2000 j’ai raflé 8 Golden Demons avec la Slayer Sword 2000 en prime. Autant dire qu’à l’époque ce n’était pas passé inaperçu. C’est ainsi qu’en 2001 Gilles Charpenet m’avait invité à juger le concours pour éviter que j’en gagne encore (de toute façon je n’avais rien fait cette année là) et c’est aussi à cause de moi qu’en France les gagnants de Slayer Sword n’ont ensuite pu participer que dans une seule catégorie. Ça ne s’invente pas…
Ensuite j’en ai encore gagné quelques uns avec des figurines remarquées (Prince Démon de Tzeentch en 2005 et Autarque Eldar en 2007).
Depuis 2007/2008 je ne fais quasiment plus de concours (pas le temps) et on me demande plus souvent de juger (Ravage Mix Open/ Open de Bretagne/Monte San Savino…). C’est rigolo aussi!
Joues-tu aux jeux de figurines ?
J’ai joué. En ce moment non.
J’ai fait pas mal de Helldorado quand j’étais chez Asmodee mais on a arrêté avec mes potes il y a deux ans.
Bientôt je pense que j’essayerai de faire jouer mes potes à Monster, de Kingdom Death. J’ai fait trop de figurines de ce jeu pour ne pas essayer.
Mis à part la figurine, as-tu d’autres passions ?
Non je n’ai pas d’autre passion (une c’est déjà bien et beaucoup à la fois) mais j’aime bien cuisiner, faire du sport…j’essaye de créer un équilibre avec mon travail, ma vie de famille et le reste.
Quels sont tes futurs projets en matière de figurines ?
Après la naissance de ma deuxième fille j’ai mis en stand-by ma gamme personnelle. Il faut que je m’y remette bientôt parce que ça me démange. Sinon je souhaite peindre le buste de Gurka de la gamme Leben models, j’ai envie de faire une belle peinture qui fera plaisir à ses créateurs Benoit Ménard et Allan Carrasco. Pour ces deux projets j’ai tout dans la tête mais je ne trouve pas le temps de les réaliser.
Il faut que je le trouve…
Comme j’aime bien dire ce que je vais faire et faire ce que j’ai dit, il n’y a plus qu’à…
6 commentaires
Je n’y connais strictement rien en figurine, ni peinture, ni sculture, mais j’ai bien apprécié cette interview.
On sent énormément le passionné qui se cache derrière le professionnel, et les figurines sont magnifique.
Merci GGS de nous faire découvrir des personnes comme celle la !
Un grand Monsieur de la figurine! Le Seigneur de Nurgle réalisé à partir de Kharn comme base reste, malgré les années, LA figurine ultime à mes yeux. J’ai eu la chance de la regarder de près en plus lors du GD à Paris, je ne l’oublierai jamais. Bravo Mr Thomas David !
Un peintre/sculpteur qui m’a beaucoup inspiré… d’où le petit clin d’oeil à son autarque sur le socle de ma princesse démon de slaanesh peinte pour le GD 2009 🙂
Pour moi, dans le top 5 des références en sculpture et peinture de figurine.
Tout est magnifique de créativité, d’originalité, de maîtrise.
Un grand merci à lui d’être venu pour nous faire partager son talent, son expérience et aussi à GGS pour avoir réussi le chopper.
Sacré boulot, Thomas.
Je dois encore te remercier pour tous les tips de sculpture que tu m’as prodigués à mes débuts lors de ce stage Iyad à Nantes.
Je suis retombé sur une de tes anciennes conversions, ce fameux seigneur de Nurgle …
A le revoir, j’en viens à me demander si le Dessicator McFarlane ne t’a pas inspiré pour cette réalisation.
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