Y, le dernier homme

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Rentrée 2006. Études de librairie. Comme une habitude ancrée dans mon subconscient, je fonce m’installer au fond, près du radiateur. La base. Visiblement, je ne suis pas le seul et fais la connaissance de Nicolas, qui deviendra mon témoin 10 ans plus tard. Là n’est pas le sujet bien sûr, mais là commence une forte amitié, fondée autour d’une passion commune, la bande-dessinée. Alors que je ne jure que par le franco-belge et le manga, Nico est plutôt dans une passade américaine.

« Tu sais, les super-slips, c’est pas trop mon truc… » lui rétorquai-je.

Quelle ignorance crasse ! J’aurais mieux fait d’y rester, j’aurais économisé pas mal de deniers ! Avant de voler de mes propres ailes, le bougre me balance la base de ce qui allait devenir mes futures références. Preacher, Watchmen, Transmetropolitan, The Goon…et Y le dernier homme.

D’abord paru chez Semic (2 volumes) puis chez Panini jusqu’à la conclusion de la série sur le 10ème volume, Y le dernier homme s’offre aujourd’hui une seconde jeunesse chez Urban Comics, qui continue ainsi de rééditer les classiques de la collection Vertigo de DC Comics.

Last man on earth

Le postulat de départ est plutôt simple. Du jour au lendemain, l’ensemble des créatures de la planète appartenant à la gente masculine meurt d’effroyables hémorragies. Seuls survivants : Yorick, un jeune étudiant new-yorkais un poil paumé et Esperluette (le nom du symbole « & »), un singe savant qu’il éduque pour un programme d’aide aux handicapés.

Une seule chose occupe l’esprit de Yorick (appelé ainsi par son père en référence à Hamlet de Shakespeare) : retrouver sa fiancée Beth, partie en voyage d’études en Australie. En allant retrouver sa mère, femme politique à Washington, il va devenir la source de convoitise des différentes factions ayant émergées à travers le globe. Que ce soit des militaires israéliennes sans scrupules, des féministes amazones siphonnées ou bien le reste de la communauté scientifique, Yorick va devenir la proie numéro 1 de la planète, avec pour seul défense, lui-même mais surtout l’agent 355, membre de l’organisation secrète Culper Ring, mandaté par sa mère afin de l’amener en laboratoire à l’autre bout des États-Unis, en Californie. Car le salut viendrait de là, trouver à travers Yorick la source du virus et également travailler sur ses cellules afin de parvenir à le cloner…

Brian K. Vaughan, qui a été révélé grâce à cette série, nous dépeint un monde post-apocalyptique vraiment original, où le chaos engendré vient essentiellement du déclin de l’hégémonie masculine. Sans hommes, certains secteurs comme les transports, la sécurité, la politique… deviennent quasiment inexistants, provoquant alors pénuries alimentaires, insécurité, anarchie… tout du moins dans certaines zones. Car en effet, lors de leur traversée des US, les protagonistes seront à la fois témoins d’horreur mais également de rédemption, comme dans cette ville où les femmes ont réussi à reconstruire toute une communauté vivant de manière auto-suffisante. Certains pays parviennent même à vivre de manière plus sereine et plus équilibrée qu’avant la chute du chromosome Y. Le virus initial apparaît alors comme un remède au véritable mal de la planète : le mâle. D’ailleurs, les seules vraies menaces planant encore le sont par des femmes reprenant les codes guerriers que pouvaient avoir majoritairement les hommes : militaires, ninjas, bandits…

Y en aura pas pour tout le monde

De fait, Yorick devient du jour au lendemain une des deux seules paires de couilles du monde (l’autre appartenant à son capucin), ce qui l’amènera à bien des choix complexes vis-à-vis de son engagement un poil naïf envers sa fiancée éloignée. Naïf, le personnage l’est à plus d’un titre, pensant régler tout problème de manière « civilisée ». Éternel bavard, multipliant les références geeks (pour notre plus grand plaisir), Yorick est un grand enfant idéaliste auquel on s’attache très rapidement car on se positionne vite en tant que lecteur, à travers son regard. Bien que protagoniste principal, il reste malgré tout un enjeu, presque un objet aux yeux des autres personnages, tant son existence est le fruit de toutes les convoitises.

Une des forces de Vaughan est de faire évoluer son personnage tout du long de la série (qui se déroule sur plusieurs années) en le confrontant à des situations difficiles. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la série prend une tournure plus sombre sur les derniers volumes, la candeur des débuts faisant place à des choix inéluctables face à des enjeux dramatiques. La fin de la série est d’ailleurs une des toutes meilleures qu’il m’ait été donné de lire, clôturant à la fois l’histoire mais ouvrant la porte à l’imaginaire.

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Si les déboires du dernier homme sur Terre font le cœur du récit, il serait regrettable de passer outre les superbes demoiselles animant le récit. La majorité d’entre elles ont vu leur existence basculer du jour au lendemain. Dans un monde au bord de la rupture, certaines se sont accrochées à leurs valeurs d’origines (l’agent 355, le docteur Mann) et d’autres changent de voie (Hero, la sœur de Yorick).

Chacune a perdu goût à la vie et tente de se reconstruire dans un monde en déconstruction. Seules les compagnes de Yorick, l’agent 355 et le docteur Mann, gardent la tête froide, l’une ayant toujours vécu dans le danger et pour le compte du gouvernement, l’autre ayant passé sa vie à effectuer des recherches. La disparition de tous les hommes ne les ont pas impactées directement mais ce sont elles qui vont devenir les meilleures alliées du dernier de leur représentant, à leur plus grand désarroi vu le caractère espiègle, véritable moulin à paroles, de leur protégé, qui parviendra malgré tout à les changer.

Les greffiers de l’apocalypse

Tout au long de la série, on retrouve le dessin efficace de Pia Guerra, qui tend à s’affiner au fur et à mesure de la série. Plutôt conventionnel, son trait lisible sert efficacement l’histoire. Après Y le dernier homme, Guerra a participé à un comics sur Docteur Who et quelques comics sur les Simpsons.

Brian K. Vaughan a de son côté participé à de nombreux projets. On lui doit notamment la brillante série Ex Machina, où un super héros devient maire de New-York, tentant de mettre derrière lui son passif de super-slip pour devenir un homme politique irréprochable. Il a également signé Pride of Baghdad, l’histoire de 4 lions s’étant échappés d’un zoo en Irak après le bombardement américain de 2003. Depuis 2012, il officie sur la série fantastique Saga avec Fiona Staples au dessin.

Il est également connu pour avoir été un des scénaristes de Lost (on peut d’ailleurs voir Hurley lire un comic de Y dans la série) et showrunner sur Under the Dome.

J’espère que vous avez apprécié la présentation de ce comics et que je vous ai donné l’envie de le lire. A bientôt pour d’autres lectures !

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