On pourra dire que Requiem Chevalier Vampire, la bande dessinée à succès d’Olivier Ledroit & Pat Mills, aura peiné à émerger dans l’univers ludique. Depuis sa création, la licence sera passée en vain entre une dizaine de mains différentes (dont celles d’Ilyad Games, qui nous promettait un jeu de figurines alléchant). Ce sont finalement les gens de Kini Games (la boîte d’Antoine Riot, à qui l’on doit Wu Xing, I will survive, Ragondin, …) qui auront concrétisé ce projet les premiers.
Youri Faja, co-auteur sur le projet, le définit comme un hybride, un jeu à figurines plutôt qu’un jeu de figurines, qui rassemble également des composantes de jeu de cartes et de plateau sans pouvoir aisément être catégorisé. Il est enfin là, au terme d’une longue phase de maturation et de playtesting, et nous avons pu tester le bébé avec lui !
Comme on pouvait s’y attendre, le matériel est de toute beauté, reprenant les illustrations de Ledroit. L’univers cauchemardesque de la BD est bien retranscrit : après leur mort, les défunts s’affrontent pour l’éternité dans ce monde infernal, réincarnés sous formes de créatures horrifiantes selon la nature des crimes qu’ils ont commis de leur vivant. Et que dire des renderings 3D des figurines fournies, sinon qu’ils semblent très prometteurs !
Au début de la partie, quarante cartes de lieux sont agencées aléatoirement pour former le plateau sur un schéma 6X6. C’est bien là la seule intervention du hasard au cours du jeu (et encore … chaque joueur peut permuter jusqu’à deux cartes avec celles disponibles dans la défausse, ce afin de faciliter la mise en place d’une stratégie). On place deux cités sur son bord de table, sur lesquelles on répartit ses cinq troupes, et la partie peut débuter.
6 factions différentes sont disponibles, chacune reprenant une civilisation dominante de la BD. Le gameplay se veut donc asymétrique, retranscrivant au plus juste les points forts et les faiblesses de ces peuples.
Il existe deux conditions de victoires : soit éradiquer sur le moment toutes les troupes de son ennemi (les soldats détruits respawnant en fin de tour du joueur qui les contrôle), soit gagner un combat dans une cité adverse (ce qui revient à occuper une cité ennemie non défendue).
Trois phases rythmeront votre tour, dans l’ordre de votre choix : déplacement, exploitation des terrains et combat. Bien que vous disposiez de 5 troupes, chacune de ces phases ne vous permettra d’en activer que trois à la fois (au début du jeu tout du moins).
Si déplacement et combat sont explicites, l’exploitation mérite qu’on s’y attarde. A l’instar d’un 7 Wonders, les quatre types de ressources (science, or, magie & sang) présentes sur le terrain seront exploitée sur l’instant par les troupes qui occupent les cases concernées. Cela vous permettra d’activer les redoutables particularités qui caractérisent chaque faction.
Ainsi, déplacer deux goules sur ces terrains …
… vous permettra (en combinant les ressources représentées sur les deux cartes) de revendiquer le niveau 1 de combat (Zombies) qui augmentera votre valeur d’attaque en situation de combat.
Il existe ainsi 10 cartes d’amélioration par armée : 3 pour accroître son déplacement, 3 pour augmenter la force de ses troupes, les 4 restantes retranscrivant les spécificités des protagonistes issus de l’univers de Ledroit. Connaitre les perfidies de tel adversaire vous permettra d’anticiper plus facilement ses coups tordus.
S’ensuit, les terrains ainsi exploités seront retournés et deviendront des ruines, dont il ne sera plus possible de collecter les ressources (encore que cela puisse profiter à certaines factions). Il convient alors de préserver un certain équilibre entre ruines et terrains, afin de garder sous le coude quelques précieuses ressources tout en préparant un traquenard tactique où l’ennemi viendra s’enliser.
Comme dit précédemment, le jeu est on ne peut plus asymétrique : là où les vampires auront besoin de terrains, les goules tendront plutôt à prospérer sur les ruines.
Nos deux parties furent très dissemblables :
La première vit mes balbutiements, mes erreurs de placement, de choix dans la priorité des améliorations ainsi qu’un gaspillage de ressources indécent dont un ennemi vampire habile put tirer parti. Réalisant trop tard l’importance pour les goules des monastères des ténèbres (qui leur permettent d’empêcher l’accomplissement d’un rituel adverse après un simple upgrade), je fus victime de la plus redoutable carte de l’arsenal vampirique, Dracula, qui leur permet de remporter automatiquement un combat. Si cette fonction entraîne la perte de la carte, elle est l’une des rares options du jeu à pouvoir être rachetée plusieurs fois dans une partie. Celle-ci fut rapidement expédiée.
J’opposai lors de la seconde manche une résistance plus opiniâtre. Je commençai immédiatement par doter mes goules de la faculté de récupérer leurs troupes détruites en début de tour plutôt qu’en fin ( ce qui change tout), et campai cette fois des ruines pour obtenir des avantages de combat « porcins », plutôt que de laisser les suceurs de sang dicter le lieu du combat. Débloquant ensuite la capacité à déplacer 4 soldats (contre 3 par défaut), j’occupai plusieurs monastères pour empêcher Dracula de se manifester.
Le croirez vous ? Les vampires usèrent d’une nouvelle tactique pour contrer ma politique de terre brûlée, se déplaçant en bloc compact se renforçant mutuellement en ATT. Ma cité fut finalement rasée au terme d’un affrontement tendu où aucun de nous ne semblait pouvoir prendre le dessus sur l’autre.
Un peu d’échecs sur les déplacements, de la gestion de ressources, un système d’améliorations facile à prendre en main et un moteur de combat simple et efficace (reposant sur la comparaison des facteurs d’attaque) … tels sont les ingrédients de ce jeu mêlant gestion, réflexion et placement, qui favorise toujours l’agression et la prise de risque à la passivité.
Restera à voir ce que donneront les autres armées : Hellfire Club, Archéologistes, Dystopiens et Lémures. A noter que les affrontements à 4 sont permis, avec un minimum d’ajustements dans le setup.
Un jeu bien intéressant, respectant à merveille la noirceur de l’univers dépeint par Ledroit. On en redemande !
Ne manquez pas de visiter la page du Kickstarter, qui se termine sous peu !