Sur Gangeekstyle, nous aimons Nintendo ! Mais nous aimons aussi Sega, cette firme qui nous a proposé à la belle époque du hardware de folie (la cultissime Megadrive en tête !). Il y a peu, à la lecture du bouquin de Frédéric Sanchez sur l’histoire des jeux vidéo en France : 40 ans de news rétro, j’ai eu envie de redécouvrir toutes les publicités Sega, de celles pour la Master System aux longs slogans sans queue ni tête jusqu’à celles pour la dreamcast, peu inspirées, en passant par les publicités agressives de la Megadrive, sans oublier bien sûr les publicités étrangères marquantes.
Lire la Partie 1 sur la période Master System
Lire la Partie 2 sur la période Megadrive
Partie 3 : La Saturn
La Saturn débarque en France en 1995. Pour l’anecdote, le nom Saturn provient du fait qu’elle est la sixième console du constructeur qui a été vendue officiellement sur toute la Terre (ce qui n’était pas le cas des toutes premières consoles de la firme, commercialisées uniquement au Japon) et a donc adopté le nom de la sixième planète du système solaire (Sega aime donné par ailleurs des noms de planètes à ses projets de consoles : par exemple le 32x était le projet Mars, la Game Gear était le projet Mercure…).
Les publicités américaines ont donc joué sur le nom de planète pour la campagne de promotion de la Saturn tandis que les français ont eu droit à une publicité assez bizarre. Pourquoi cette jeune fille a deux pupilles dans chaque œil ? C’est tout simplement impossible ! C’est un scandale ! Bon, cherchons un peu. Serait-ce pour vanter les capacités 3D de la machine ? Ça serait fort de café quand on sait que c’est Sega Japon qui a conçu la console en lui donnant des capacités 2D supérieures à celles 3D, selon la préférence des joueurs japonais, en occultant totalement le virage 3D pris dans le reste du monde, avec en tête la Playstation de Sony.
Même un Segaïste pur et dur comme notre ami OBowser ne peut nous donner une explication rationnelle : « Je suppose qu’une double pupille développe la capacité de l’individu à traiter l’information visuelle, la mettant à la hauteur des capacités graphiques de la console. On est toujours dans le prolongement du « plus fort que toi » : la saturn est la console du post-humain, SEGA c’est plus fort que l’humanité. Elle n’est pas super parlante cette pub. Elle aurait plus de sens pour une machine à deux écrans (double pupilles = double vision). J’ai cherché en vain une référence à un truc de SF mais je ne connais aucun personnage de fiction qui a deux pupilles. »
Avec un prix de lancement de 3290 francs, tu m’étonnes qu’il fallait être « évolué » pour se prendre une Saturn (contre 2099 francs la Playstation). Le prix de la console ne cessera de chuter au fil des mois pour faire face à la concurrence. Si Sega a abandonné ses tacles à la concurrence, c’est peut être que la firme n’est plus en mesure de le faire sans se prendre une terrible riposte de leur part. On a donc droit à des publicités papier creuses et sans saveur. Il faut dire qu’il ne fait plus bon vivre dans les différentes branches de Sega…
Période de dissensions au sein de Sega
Nous sommes en 1994, la branche japonaise de Sega bosse sur sa prochaine console, la Saturn, pour de nouveau devancer Nintendo qui se contente toujours de sa Super Nes (et il a bien raison car en 1994 sort le formidable Donkey Kong Country). Parallèlement à ce projet Saturn, Sega of America bossait sur le 32X afin de contrer un nouveau venu dans la sphère des consoles de jeux vidéo : SCE (Sony Computer Entertainment) qui est en train de développer une console 32bits, la Playstation (suite à l’abandon de l’accord entre Sony et Nintendo pour la production d’un lecteur de CD-ROM pour sa SNES). Oui, c’est un gros bazar !
Les dirigeants japonais de Sega imposent donc une sortie rapide de la Saturn (la sortie de la console sera même avancée aux Etats-Unis). Cette dernière sortira fin 1994 sur le territoire nippon et mi-1995 dans le reste du monde (plusieurs semaines avant la Playstation) alors que le 32X vient à peine de sortir. Tom Kalinske, le PDG de Sega of America, qui avait été si décisif à l’ère de la Megadrive n’a plus son mot à dire, il n’a plus aucun pouvoir, tout passe par la branche japonaise. Le lancement de la Saturn a été précipité et la machine reste sans jeux pendant plusieurs mois. Pire, le développement sur la console est très difficile, si bien que tous les éditeurs tiers se tournent vers la PlayStation.
En juillet 1996, excédé de n’être qu’un pantin à la botte des japonais, Tom Kalinske démissionne, emportant beaucoup de personnes dans son sillage, dont David Rosen, le créateur de Sega. Il sera remplacé par Bernie Stolar (ex vice-président exécutif chez Sony Computer Entertainement). Pour la petite histoire, ce dernier a quand même déclaré dès l’E3 de 1997 que la Saturn n’était pas l’avenir de Sega. Avec une telle communication, comment voulez-vous inspirer confiance, à la fois aux éditeurs tiers tout comme aux joueurs ? C’est ce même Bernie qui ne voyait pas l’utilité de sortir des RPG aux US, les joueurs américains préférant, d’après lui, les jeux de sports.
Les ventes de la Saturn décolleront uniquement au Japon avec un marché vif et regorgeant de titres de qualité, dont malheureusement, trop peu franchiront la frontière, et encore moins seront traduits en français. Sega annoncera la fin de production de la Saturn en mars 1998, la sortie de Final Fantasy VII sur Playstation en 1997 ayant fini d’achever les espoirs de Sega. On peut aujourd’hui dire que l’échec de la Saturn est dû à l’exécrable gestion du marketing opérée par la maison mère ne prenant que trop peu en compte les particularités du marché occidental et au rapide désintérêt porté à la machine par la branche américaine, convaincue qu’il fallait se consacrer à la prochaine génération.
A cette époque, au sein de Sega, la question se posait déjà de savoir s’il était utile ou non de continuer à construire du hardware ou de choisir de se consacrer au software…
De nouveaux slogans pour la Saturn !
Été 1996, on assiste à une campagne de pub pour la Saturn se basant sur « l’attractivité » de la console, reprenant de nouveau des propriétés liées à son nom de planète, accompagné du slogan « Peut être un peu trop réel ». On ne doit pas avoir le même ophtalmo ou tout du moins pas le même prof de philo…
En 1997, nouvelle campagne de pub, nouveau slogan : « On n’est pas sur la même planète. » Décidément, chez Sega, on est vachement réaliste ! Sega, c’est quand même dans la tête des gens une entreprise qui propose du matos de qualité, à la pointe de la technologie. Mais Sega n’a pas su prendre à temps le virage de la 3D. Par contre, il est vrai que la Saturn est très performante sur tout ce qui est 2D.
Les gros moyens pour les spots TV
Du côté des spots TV, on retrouve en 1995 pour le lancement de la Saturn en Europe une pub rappelant grandement celle du jeu Megadrive Ayrton Senna’s Super Monaco GP : le même bâtiment, le grand écran, l’accident… Ce spot publicitaire a été réalisé par l’américain Rocky Morton, célèbre réalisateur du chef d’œuvre interplanétaire Super Mario Bros (bon, ok, c’est une bouse intersidérale, ça vous va?). Le budget est colossal, Sega veut montrer sa suprématie et n’hésite pas à utiliser des images choquantes pour montrer que sa console n’est pas faite pour les gosses.
On reconnaît facilement le jeu utilisé dans ce spot publicitaire. Il s’agit de Daytona USA. D’ailleurs, si on passe les images au ralenti lorsque la console se fracasse, on peut voir voltiger le disque du jeu.
Au début de ce dossier sur les publicités pour la Saturn, je vous avais dit que Sega avait arrêté de tacler ses concurrents. Ce n’est pas tout à fait exact avec des publicités pour la télévision américaine où l’on peut voir une Playstation jetée dans le vide (pub pour le jeu Nights Into Dreams) ou encore une Playstation donnée à un bébé dans un berceau. Sega, c’est pas pour les gosses !
Le nouveau visage de Sega au Japon : Segata Sanshiro
Pour le lancement de la Saturn au Japon, Sega cherche une figure emblématique pour représenter la marque. Pour cela, la firme japonaise embauche le comédien Hiroshi Fujioka qui incarnera le judoka Segata Sanshiro. Ce personnage s’inspire d’un vieux film japonais, La légende du grand judo, d’Akira Kurosawa, sorti en 1943, dans lequel le personnage principal se nomme Sugata Sanshiro.
Le nom de Segata Sanshiro se rapproche phonétiquement de « Sega Saturn Shiro », qui a une double signification : « Vous devez jouer à la Saturn » et la couleur blanche de la Saturn, nouveau coloris sorti pour l’occasion.
Segata Sanshiro est une sorte d’ermite vivant dans la forêt. Il s’entraîne tous les jours en transportant une énorme console Saturn blanche sur son dos et en frappant sans relâche sur les boutons d’une manette géante. C’est vraiment très kitch, mais c’est ça qui est bon !
Segata Sanshiro est une sorte d’anti-héros, puisque son rôle dans les premières pubs est de punir les joueurs (peu importe leur âge) qui font autre chose que jouer à la Saturn. Les jeunes préférant danser dans une boite de nuit ou encore aller jouer au baseball se font sévèrement corriger. Chaque spot de pub termine par le cri « Segata Sanshiro »! La pub où il endosse le costume du Père Noël et va disputer les enfants car ils n’ont pas commandé de Saturn est excellente et hilarante !
Segata Sanshiro, malgré son rôle de père fouettard, aura toute l’affection des joueurs japonais. Les publicités suivantes sont plus pour la promotion des jeux : les excellents comme Bomberman, Daytona, Panzer Dragoon, Sakura Taisen (…) mais aussi les grosses daubes comme Sonic R. C’est l’occasion de découvrir les nombreux talents de Segata Sanshiro : arrêter les balles de baseball avec son torse, avancer plus vite sur la glace qu’un patineur, préparer des sushis, prendre du bon temps avec Sakura (heu, c’est pas trop un talent, mais bon, ça rend tout de même le personnage moins brute) et plein d’autres choses.
Dans la dernière publicité où apparaît Segata Sanshiro, il sauve le siège de Sega au Japon d’une attaque terroriste (d’un concurrent ?). Pour cela, il n’hésite pas à y laisser sa peau et meurt en héros dans l’explosion du missile dans l’espace, juste après avoir crié un dernier appel à jouer à la Saturn. La fin du spot fait la promotion d’un jeu Saturn ayant pour héros Segata (Segata Sanshirō Shinken Yūgi). Si vous avez bien observé la salle du siège de Sega, vous pouvez distinguer au mur le logo orange de la future Dreamcast. Le sort de la Saturn est scellé !
Un autre jeu autour du personnage de Segata Sanshiro est sorti sur Mac et PC (Segata Sanshiro Choujin Densetsu) et propose, comme celui sorti sur Saturn une compilation de mini-jeux.
Segata Sanshiro devient tellement populaire au Japon qu’un CD de 4 pistes (version originale, version instrumentale, version rock, version chantée par Hiroshi Fujioka himself) est produit, reprenant la chanson utilisée en fond sonore dans les publicités. Un vidéoclip sera crée en assemblant des morceaux de publicités. Chantons en choeur ! « Segata Sanshiro, Segata Sanshiro, Segataaaa Sanshirooooo !«
On verra apparaître brièvement Segata Sanshiro dans plusieurs jeux : Virtua Fighter 4, Rent a hero n°1, Sonic All Star Racing (on le voit chevaucher un missile dans le dernier tour d’un des circuits), mais aussi Shenmue (l’acteur incarnant Segata Sanshiro a prêté sa voix au père de Ryo Hazuki).
La saturn avait pourtant tout d’une grande, mais les trop nombreuses erreurs marketing dues aux guéguerres internes auront eu raison de la belle aux États-Unis et en Europe. Beaucoup de joueurs se sont tournés vers l’import jap, car de trop nombreux jeux n’ont jamais franchi la frontière nippone. Sega espère repartir sur des bases saines avec sa nouvelle console, la Dreamcast, bien qu’une partie de la firme semble déjà convaincue que la fin de la construction de hardware serait plus profitable pour Sega. Vous connaîtrez la suite dans le prochain épisode !
3 commentaires
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Productivité et qualité !!!
Juste parfait !!!
Les pubs japonaises sont géniales !!!
Superbe article, comme d’hab.
Comme Evola, j’adore les pubs vidéos Jap.
J’étais plié de rire avec leurs conneries 😉
Sinon en tant que grand fan de SEGA, je leur pardonne TOUT! même le pire^^
Bravo Kem et merci.