« Salut je suis Anubis. Je ne fais rien de ma vie, je ne sais rien faire de mes dix doigts, j’suis pas un intello, on m’a dit de venir alors j’suis là ».
– « Salut j’suis ton supérieur, un démon de grade 3. J’suis grand, j’suis fort, j’suis méchant et j’m’ennuie, alors tu vas écrire un article sur un jeu de rôle pour me divertir. Non, tu n’as pas le privilège de te plaindre, oui tu vas te prendre une grosse baffe si tu bâcles le boulot, et non faut pas t’attendre à une récompense si tu t’en sors bien »[/one_half]
« Que la paresse soit un des péchés capitaux nous fait douter des six autres ».
[one_fourth_last] Robert Sabatier[/one_fourth_last]
Bonjour à tous
Aujourd’hui j’ai décidé de poser mes pinceaux, de ranger mes bidons de résine et de sortir de mon atelier sombre pour venir vous bourrer le mou VOUS PRESENTER un de mes jeux de rôle favoris, le plus célèbre des JdR francais: le fameux In Nomine Satanis / Magna Veritas (connu aussi sous l’abréviation INS/MV pour les connaisseurs, les rôlistes, les fainéants et les bègues).
Pour commencer, quelques explications : qu’est ce que c’est qu’un jeu de rôle?
[one_half][/one_half][one_half_last]Un jeu de rôle, c’est un peu une assemblée de marginaux bizarres, majoritairement des ados frustrés, qui se réunissent pour imaginer qu’ils sont ce qu’ils ne seront jamais dans la vraie vie. DE GENS SUPER COOLS QUI SE DETENDENT EN ESSAYANT D’IMAGINER CE QUE POURRAIT ETRE LE QUOTIDIEN DU HEROS D’UNE SAGA. Car, je vous le demande, qui voudrait être un guerrier musclé passant son temps à fendre des crânes, amasser de l’or et séduire des jeunes jouvencelles quand on peut avoir une vie trépidante de fonctionnaire employé aux espaces verts de la commune de Colombier les 2 Eglises? Hein? Sérieusement![/one_half_last]
Donc, un jeu de rôle consiste à faire vivre des aventures à un personnage imaginaire.
Pour cela dans la partie il y a un maître du jeu (un MJ) dont le rôle est de diriger les joueurs. C’est lui qui raconte l’histoire que vivent les héros. Il est dieu tout puissant, il est l’alpha et l’oméga; le père, le fils, le saint-esprit, la p’tite sœur et la grand mère…. Bref, il est Chuck Norris en mieux.
Les autres joueurs incarnent chacun un personnage auquel ils s’identifient, et qu’on appelle des PJs (Personnages Joués, en opposition avec les PNJs: Personnages Non Joués, qui eux sont incarnés par le maître du jeu).
Le maître du jeu guide les autres joueurs en les mettant dans des situations hautement improbables que les geeks boutonneux JOUEURS n’ont aucune chance de vivre au quotidien. Comme par exemple : « La belle fille blonde assise en face de toi te remarque« .
Les joueurs, quant à eux, vont parler, agir, et penser pour leur PJ (pour les mollusques qui en sont encore capables, espèce en voie de disparition dans le milieu du JdR). Et bien sûr leurs actions influeront sur la suite de l’histoire. La plupart du temps, ils feront vivre aux personnages des aventures qu’ils n’oseraient pas espérer vivre en réel, même dans leur rêves les plus fous : « J’aborde la belle fille blonde« .
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Le but du jeu est d’accomplir des exploits plus stupides VIRILS les uns que les autres, en échange de quoi les personnages sont payés en points d’expérience (Pex, ou XP). Ils permettent de faire évoluer le personnage afin qu’il puisse accomplir des exploits encore plus stupides VIRILS ,et donc gagner encore plus d’XP. « Restez là et tenez la position, moi pendant ce temps j’vais les encercler « .
Il arrive que l’action se solde par un échec, qui se traduit parfois par la mort du personnage (et parfois même par la remise a zéro de tous les personnages du groupe).
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Le PJ (et la plupart des PNJs) est défini par un certain nombre de caractéristiques servant d’échelle de mesure pour déterminer ses points forts et ses faiblesses. Elles sont regroupées sur ce qu’on appelle une feuille de personnage. Tout un ensemble de règles permet, au moyen de jets de dés, de déterminer si l’action tentée réussit ou pas. Remarquez que les dés en question ne sont pas toujours le bon vieux dé cubique que l’on connait tous, mais que beaucoup de JdR font appel à des dés avec plus ou moins de faces, dont le nombre varie entre 3 et 20, pour les plus courants.
Exemple d’une feuille de personnage digne de ce nom.
Il est à noter d’ailleurs que les rôlistes ont beau être majoritairement des geeks fans de technologie, les applications numériques telles que les générateurs de dés n’ont que peu de succès dans les soirées, les puristes ne voulant pour rien au monde remplacer leurs dés fétiches. Car oui, un rôliste est stupide OUVERT D’ESPRIT au point d’etre persuadé D’ENVISAGER L’IDEE AMUSANTE que les dés puissent avoir une âme, et que tout comme nous ils ont leurs bons et leurs mauvais jours. Il faut admettre que certaines soirées font mentir les lois des probabilités à en dessouder la logique d’un cerveau cartésien.
« Les humains, ils ne supportent même pas les températures de survie standard -dit le mec qu’a fait une insolation dans une boîte de nuit »
IN NOMINE SATANIS /MAGNA VERITAS
Faites le mal, mais faites-le bien
« Moi je ferais un Koh-Lanta à Sarcelles. Ça serait moins exotique mais ça pourrait être plus marrant ».
« À l’origine, Dieu créa le ciel et la terre. Accessoirement, il en profita pour se créer lui-même ». C’est sur ces mots que commence le background du jeu. Les choses sont claires, le ton est donné : ça parle de religion, et pas sur un ton des plus sérieux. L’univers parodie, satirise et joue avec les croyances. L’humour est omniprésent, souvent noir et résolument décalé. D’ailleurs la lecture du livre nous le prouve. Il est truffé de petites citations, de brèves et autres private jokes qui nous mettent dans l’ambiance (et dont je vous fais profiter tout au long de cet article).
Un peu d’histoire
« La corrida c’est super cruel, à Dax je me suis pris un coup de poing dans la gueule en bas des tribunes ».
Le reste de la lecture du background reprend grossièrement l’histoire de la bible, mais non sans la compléter. Ainsi on apprend qu’avant d’imposer la religion aux hommes, Dieu avait déjà fait une tentative pour évangéliser les dinosaures. Il leur a même fourni un prophète : un dinosaure nommé Denver, que deux anges ont fini par crucifier pour en coller plein les mirettes aux autres. Mais les dinosaures étaient trop stupides pour pouvoir être convertis à une religion quelconque, et le résultat fut un échec. Dieu les a donc détruit pour effacer ce fiasco.
S’en suivit la création des êtres humains. Et ce fut l’histoire du jardin d’Eden, d’Adam, de Eve, du serpent, de la pomme et d’un superbe exemple de la mentalité féminine.
« les êtres humains, ces p’tits machins plein de jus rouge? ouaiiiiis, c’est bon mais ça tache »
Ce fut à ce moment là qu’une guerre déchira les anges et que Dieu bannit les renégats à grands coups de pompes dans le valseur jusque dans le Grand Escalier Des Marches Intermédiaires, lequel monte jusqu’au paradis. Et Satan les descendit toutes et s’écrasa sur la plus basse, au dernier sous-sol des mondes parallèles, qui allait devenir l’Enfer. Depuis ce jour les forces du bien et du mal s’affrontent dans un combat nommé « le Grand Jeu », avec l’humanité en trophée.
Puis l’évolution continua. Les êtres humains commençaient gentiment à se faire la guerre, à s’étriper, à se violer…… A se civiliser, en somme. Et au 1er siècle, Dieu envoya son ange favori, son chouchou, Jésus, s’incarner sur terre prêcher le christianisme. C’est ainsi qui JC naquit en 6 ou 7 avant lui. La crucifixion qui clôtura l’essai eut beaucoup plus de succès que les tentatives précédentes, et cette fois l’évangélisation de l’humanité fut une réussite.
[one_half][/one_half]Cette période vit de grands changements. Ainsi le christianisme naissant écrasa les panthéons païens, qui avaient pris forme dans l’antiquité à partir des rêves des humains. Cela dura jusqu’à ce qu’une mésentente entre Dieu et quelques archanges à propos de la réforme de la chrétienté donne naissance à l’islam. Notons également que beaucoup de créatures telles les dragons, les muses et les fées furent presque génocidées à cette période par un archange, mis en retraite anticipée depuis (néanmoins ces créatures existent encore, même si elles sont rares).
C’est également à ce moment-là que Dieu décida d’instaurer les règles plus définies pour le combat entre le bien et le mal. Ainsi la discrétion devait être de mise. Aucun humain ne devrait jamais soupçonner la présence d’anges et de démons parmi eux. Car Dieu est tout puissant, Il peut faire ce qu’il veut, y compris imposer des règles aux démons. Y compris gagner le Grand Jeu quand il le souhaite, aussi (d’ailleurs, le 1er Satan a fait une crise existentielle le jour où il l’a compris, il a fallu lui trouver un remplaçant en urgence).
« Il baise des putes qui ressemblent à sa femme, moi faut qu’on m’explique ».
Mais, et les joueurs dans tout ça ?
[one_half_last] »Aujourd’hui, avec internet, les infos, ça va plus vite que toi. T’encules un bébé phoque au Pôle Nord, t’as pas fini qu’y’a déjà quelqu’un au Pôle Sud qu’est jaloux« [/one_half_last]
On y arrive. Les anges et démons sont les pions d’une gigantesque partie d’échec, nommée le Grand Jeu, que se disputent Dieu et Satan pour tuer un peu le temps, emmerdés qu’ils sont par l’ennui de toute une éternité de glande. Donc les joueurs incarnent des démons (dans In Nomine Satanis) ou des anges (dans Magna Veritas) et travaillent pour une des deux forces en présence. Bon, soyons clair, ce n’est pas parce que le patron joue au babyfoot à l’échelle planétaire avec le boss des youyous d’en face qu’il faut prendre le boulot à la légère. Les missions y’a intérêt à les remplir.
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La petite particularité, c’est qu’un démon n’est pas directement au service de Satan, mais d’un prince démon. Même chose pour les anges avec les archanges. Et chaque archange/prince démon à son domaine d’activité bien précis, ainsi que sa propre conception du bien (ou du mal). D’ailleurs il arrive que les relations soient tendues entre eux, voire franchement hostiles. Et c’est là que ça devient amusant, parce comme c’est le supérieur qui juge du travail accompli et qui distribue les récompenses (ou les punitions) en conséquence, pour se faire bien voir, il faut plaire au patron……. et tant pis si ça veut dire « écraser les copains »
« Les serbes et les croates, vous n’avez pas l’impression que ça sonne comme une guerre entre deux marques de pantoufles ? »
Comme je l’ai dit, chacun à sa propre vision de la bonne manière de faire le bien (ou le mal). Ce qui évite aux auteurs de tomber dans le caricatural. Ainsi on peut tomber sur des anges qui méprisent les humains, ou des démons qui prônent la non violence. On a beau faire le bien, quand on travaille pour un archange skinhead et qu’on croise un ange musulman, ça fait des étincelles. Quoi ? Les anges sont purs ? Il sont au-delà d’idéologies basées sur des considérations raciales ? Et de toutes façons ne se rabaisseraient pas à se battre entre eux ? Ben on voit que vous n’avez jamais joué à INS/MV vous ! Disons qu’ils ne vont pas régler leurs comptes ouvertement, ils sont là pour faire le bien quand même…. Du moins en apparence. Le problème quand on déplait à un ange, c’est que je jour où le coup de pute vous tombera dessus, il ne viendra pas d’en face.
[one_half_last][/one_half_last]Vous l’avez compris, là où les autres jeux de rôle incitent à jouer en coopération, INS/MV met l’accent sur l’exploit personnel. Petit conseil perso: MJ, prévenez bien les joueurs d’entrée de jeu que ça va fritter, particulièrement s’il y a un mauvais perdant à la table.
« Il suit une vieille tradition débile qui consiste à ne pas foutre le bordel dans une soirée ».
Il est à noter également qu’à INS/MV, il faut savoir mettre sa conscience dans sa poche. Un exemple: vous êtes un démon, croyant qu’il n’y a pas de témoin vous utilisez un pouvoir pour occire un adversaire, et là vous vous apercevez que vous avez été vu par une fillette de 8 ans. Or la règle numéro 1 est : toujours rester discret. Il va donc falloir éliminer le témoin, ou l’empêcher de parler d’une façon ou d’une autre, sinon ça pue la punition à plein nez. Et là vous me dites « oui mais si c’est un ange qui se fait surprendre ? » C’est simple: on applique la règle numéro 1.
[one_half_last][/one_half_last]Cet humour à prendre au second degré permet au jeu de ne pas toujours être politiquement correct, (voir parfois totalement immoral) mais aussi de jouer avec les actualités. Et si un démon spécialisé dans les attentats parvenait à détourner des avions ? Et si un autre démon parvenait à susciter la jalousie dans la famille d’un certain petit Grégory, habitant sur les bords de la Vologne ? A noter que beaucoup des privates jokes et citations d’ambiances qui parsèment les pages des livres sont basées sur des actualités ou des faits divers du moment.
[one_half_last]« On devrait refiler les vaches folles aux vieux. Il faut quinze ans d’incubation, ça serait con de gâcher »[/one_half_last]
Cet humour, dont je vous fais profiter tout à long de cet article au moyen de citations ou d’images, se retrouve jusque dans les titres des extensions (la Bible à Dudule) ou des scénarios officiels (« Les esquimaux vont au cinéma pour se faire sucer ou « tu l’as vu mon gros Miko?) » , » faut pas être Mickey à Eurodisney (ou « Mickey, sa petite queue et ses grandes oreilles ») ou encore « aujourd’hui j’veux mes pâtes au gaz ».
[one_half][/one_half]« Je te dis que le Titanic c’est encore de leur faute – Iceberg, c’est pas un nom juif ça ? ».
Le système de jeu
Le système de jeu est simple au possible. Dans les premières éditions, la moindre action référait à la table unique multiple. C’était un tableau qui servait à toutes les situations, et qui permettait de définir le résultat à obtenir aux dés en tenant compte de la valeur de la caractéristique testée, et de la difficulté de l’action tentée. Dans la quatrième édition, ce tableau a un peu évolué, mais l’utilisation reste très similaire.
Tout se rapporte à cette table, donc pas besoin de ralentir le jeu à farfouiller dans le bouquin pour chercher comment on lance tel pouvoir, comment on réalise tel test en opposition, ou comment marche la télékinésie. A noter d’ailleurs que la section réservée aux règles ne prend que quelques pages dans les livres de base.
Les jets de dés aussi sont simples au possible. Tout se fait avec des dés à 6 faces (3D6 la plupart du temps) 1 dé sert à comptabiliser les centaines, 1 pour les dizaines et 1 pour les unités. Ce qui fait que chaque résultat donne un chiffre compris entre 111 et 666. Plus l’action tentée est difficile, plus le seuil à atteindre est bas. Pour savoir si l’action est réussie, on ne regarde que les 2 premiers chiffres (les centaines et les dizaines) le résultat des unités (RU) quand à lui ne sert qu’à quantifier la réussite (ou l’échec, dans certains cas).
Si le résultat est 111, c’est que Dieu lui -même est intervenu dans l’action. Si le résultat est 666, c’est que Satan s’en est mêlé. Il va de soi que le résultat pour un de ces chiffres particuliers sera différent si c’est un ange ou un démon qui jette les dés. Dieu va favoriser un ange, et mettre des bâtons rondins troncs d’arbres dans les roues des démons. Inversement, si c’est Satan qui intervient …
Dieu et Satan n’interviennent jamais dans une action tentée par un humain. Il n’y a donc ni réussite critique ni échec critique pour eux. Néanmoins ils ne sont pas démunis puisque eux aussi possèdent leur propre nombre magique: le 421.
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« ma bagnole c’est comme mon gamin,sauf que pour pas abîmer la carrosserie j’lui file pas de coups de ceinture »[/one_half][one_half_last][/one_half_last]
Les extensions quant à elles ne sont pas en reste. Si certaines ne sont que des campagnes, d’autres apportent véritablement une nouvelle dimension au jeu. Par exemple Inch’Allah qui parle plus profondément des anges et démons musulmans. La 3eme force permet de jouer avec autre chose que des anges et des démons, comme des sorciers, des prêtres vaudous, des psionnistes…. Muchos persos Capharnaum apporte surtout des aides de jeu plus ou moins loufoques, mais si vous voulez connaitre la différence de dégâts entre le fer à repasser froid et le fer à repasser chaud, ou celui de la fourchette à huîtres, elle est indispensable.
« Tu fais une croix au couteau sur la pointe de ton suppositoire, il explose à l’intérieur ».
Je pense en avoir fini avec cette présentation, à mon avis j’ai tout dit, ou presque, sauf une chose:
Asmodée Edition (anciennement Siroz), décrétant que le jeu était suffisamment ancien, à décidé de fournir en téléchargement légal et gratuit les 4 éditions d’INS/MV ainsi que la totalité des extensions parues. Donc je ne fais pas que vous parler d’un jeu de rôle, je vous l’offre par la même occasion.
Récupérez-le ici, sur le site du XXieme Ciel
Il paraitrait qu’une 5 eme édition complètement remaniée verrait le jour pour la fin de l’année, à suivre donc.
Et avant de vous quitter, je vous laisse une petite vidéo d’une partie de jeu de rôle (donjons et dragons) particulièrement somptueuse, qui nous donne une belle leçon sur comment planter 15 ans de campagne pour calmer 2 couillons qui s’y croient trop. Désolé pour l’accent, il faut le supporter (encore qu’il passe très bien avec l’ambiance). Mais à regarder jusqu’au bout.
3 commentaires
Bravo !
L’article retranscrit parfaitement l’univers barré de cet excellent jeu.
Tu as bien cerné le sujet 🙂
J’ai eu l’occasion de tester ce RPG à deux reprises pendant les années 90.
Une expérience super, une autre horrible -XD-
Comme quoi, le talent du MJ prévaut toujours dans une partie !
Le film « Ma Vie est un Enfer » avec Auteuil et Balasko s’avérait étonnamment proche de cet univers … volontairement ou non.
ah ben comme je dis toujours, y’a pas de mauvais jeux de roles, que des mauvais MJ; mais parfois mes joueurs n’accrochent pas sur un système de règles.