Rare sont les peintres talentueux qui partagent tous leurs secrets avec les autres. Julien Casses fait partie de cette catégorie là. Il a gagné énormément de Golden Demons et nous a créé des dioramas complètement hallucinants. Aujourd’hui il répond à nos questions à la cool et partage avec nous son travail. L’équipe de GGS tenait à le remercier.
Vous pouvez retrouver toute son actualité sur le site juliencasses.com .
N’hésitez pas à consulter la galerie en fin d’article pour vous rendre compte du travail méticuleux accompli par Julien.
Même si tu es hyper connu, peux-tu te présenter pour les profanes ?
Hyper connu, c’est quand même un peu trop. Mais sinon, eh bien je m’appelle Julien Casses, je vais sur mes 28 ans et je peins globalement depuis dix ans maintenant. Ça me fait d’ailleurs assez bizarre de le dire, vu qu’il n’y a pas si longtemps c’était encore moi le petit jeune dans le groupe… plus maintenant ! J’écris dans le magazine Ravage depuis tout aussi longtemps, et j’ai un site Internet proposant pas mal de tutoriels à cette adresse: juliencasses.com
Mettons fin à cette ambiguïté : ton nom de famille se prononce comme « casse » ou « cassès » ?
CassÈs, Comme ça le mystère est levé…
Comment as-tu découvert les figurines à peindre et à collectionner ?
Alors c’est assez simple. Je suis né avec une manette de jeu vidéo dans les mains. Et si je devais définir quel est mon hobby préféré, ce serait plus les jeux que les figurines. Au collège, un ami m’avait parlé d’un jeu auquel il se consacrait. Un truc avec des figurines qui s’affrontaient sous forme d’armées.
Mon attention n’était pas franchement attirée jusqu’à ce qu’il me dise qu’il y avait une armée remplie de « petits Links », comme le personnage de la saga « The Legend of Zelda », comparant Link et les Kokiris de l’opus Nintendo 64 (Ocarina of Time), avec les elfes sylvains. Et là ce fut le drame.
J’ai d’abord connu les univers Warhammer (comme beaucoup de monde en fait). J’ai été un relativement « gros » joueur jusqu’à mes dix huit ans, puis je me suis surtout mis à la peinture en 2004.
Jusque-là, j’étais le plus mauvais peintre de mon groupe de potes, et ce que je faisais était littéralement moins beau qu’une figurine trempée dans un pot de crépi. « Never give up » comme on dit !
Tu t’es fait remarquer avec ton niveau de peinture complètement hallucinant. Comment as-tu développé ce style si particulier en peinture ?
Hallucinant, encore une fois je ne pense pas. Je dirais surtout que je dispose d’une très bonne base académique. Mais je suis nullissime concernant les freehands, et je commence seulement à essayer de faire des textures ou de jouer sur d’autres gammes d’effets sur mes figurines. Un peintre technique, mais trop prudent en somme.
Pour le style, je conçois à peine en avoir un à proprement parler. Même si on me dit régulièrement que mes pièces sont reconnaissables. Je pense surtout que cela vient de mon habitude de ne pas me limiter aux dimensions des socles de jeux, à certaines textures de roches, et à ma façon de jouer sur les contrastes et d’avoir un fini « propre ».
J’essaie aussi énormément de conserver des schémas de couleurs cohérents et fonctionnels. J’aime la cohérence et « l’ordre ». J’adore surtout travailler les socles, autant, voire plus que les figurines en elles-mêmes. Il m’est arrivé sur un Céléborn de passer cinquante heures sur le socle quand le personnage en recevait quinze. J’aime beaucoup jouer avec le sens de lecture, attirer l’œil là où je le veux, et de la manière que je veux. En gros « tu vas regarder ça en premier, puis ton regard va aller là, pour terminer ici ». C’est souvent des astuces toutes bêtes et assez intuitives, mais je trouve ça primordial dans notre domaine. Autant en sculpture qu’en peinture d’ailleurs.
J’aime aussi travailler une couleur jusqu’à la connaître suffisamment pour passer à une autre que je n’avais pas testée. Étonnamment, on est resté sur la blague « Julien et son rose », alors que j’ai globalement fait un très large tour du cercle chromatique dans sa totalité. Donc c’est globalement ma manière de travailler. Je bosse un truc relativement « à fond », puis je passe à autre chose. Là j’ai des envies de carnations africaines que je n’ai jamais travaillées, de rendus graphiques ou de graffitis, ou de thèmes traitant de la folie et de son abyme…
As-tu réussi à en faire ton métier ?
J’ai refusé pendant des années d’en faire mon métier. Car en vivre en France est très compliqué. La clientèle existe, mais n’est pas aussi vaste qu’outre-Atlantique ou dans d’autres pays européens. Et le système fiscal n’est pas tendre avec les petites structures.
Games Workshop m’avait demandé en 2010 d’intégrer l’équipe Eavy Metal, chose que j’avais déclinée. J’ai hésité depuis à rejoindre la firme anglaise, mais quand je vois ses changements éthiques, sa politique commerciale et sa manière de traiter avec ses partenaires, je pense que je me serai mal senti de travailler en interne sur une gamme que j’adore, mais dont je ne soutiens pas « l’entité pensante ».
En vivre en tant que peintre, en France, est quasi mission impossible, quand on se concentre sur la peinture studio ou de concours. Déjà car les tarifs proposés sont ridicules par rapport à la qualité demandée, et qu’on est forcément le dernier maillon de la chaîne, devant rattraper les soucis de deadlines, ou les erreurs de tout le monde en amont (parfois un concept, ou une erreur de sculpture, quand ce n’est pas le soucis de moulage). Malgré tout, et pour le moment, j’ai un carnet de commandes qui tient à peu près le coup, mais c’est trop aléatoire pour y voir sur un assez long terme.
En tant que peintre « d’armée », c’est déjà plus faisable, mais pas pour autant plus confortable. Je pense que dans les deux univers, le plus énervant est un systématique cassage de prix que l’on rencontre à droite à gauche. Quand ce n’est pas directement le commissionnaire ou la société qui croit pouvoir obtenir une peinture de niveau concours au prix d’un piéton en brossage à sec. Le plus rentable pour parvenir à survivre dans ce milieu est de travailler en tant que sculpteur.
Sculptes-tu?
Je m’y mets peu à peu. Je ne montre rien pour le moment car au stade où j’en suis, c’est avant tout un problème de pratique et de technique qui se pose. Je teste, en somme. J’aimerai parvenir à obtenir des premiers contrats de sculpteur dans les deux ans à venir. Si ça ne fonctionne pas plus que ça, ce ne sont pas les plans de secours qui manquent. Mais la sculpture est bien plus rentable (à temps équivalent à travailler sur une figurine on peut largement gagner le double ou le triple qu’en peinture, c’est dire…). Donc, même si l’envie de sculpter me tiraille depuis pas mal d’années, c’est plus l’envie de travailler dans ce milieu, désormais, qui m’y conduit.
Quels conseils donnerais-tu à une personne qui voudrait se lancer dans cette aventure ?
Dans l’aventure du métier de figurines ? Euh… pensez à autre chose. Sérieusement. C’est un métier de passionnés. Et le terme est juste. Car le nombre d’heures sacrifiées à apprendre, à travailler, à essayer encore et encore et encore n’est pas à négliger. Cela demande beaucoup d’abnégation. Et mine de rien, peu de personnes arrivent à vivre en autarcie, à rester chez soi à travailler encore et encore et encore… C’est un métier assez solitaire. Donc il faut avoir des reins très solides et un mental d’acier, déjà. Sans ça…
En revanche si l’on parle du monde de la figurine comme d’un hobby : eh bien la règle du travail, des essais multiples et infinis, est encore une fois vraie. Que l’on s’acharne sur la peinture ou sur la construction d’une liste d’armée totalement optimisée, c’est pareil. Mais c’est le charme du milieu. S’améliorer au fil du temps et des années, voir ses progrès et ceux de nos amis, rencontrer des personnes, discuter, planifier, s’inspirer, rêver… ce sont des plaisirs simples, qui se retrouvent en quantité dans ce milieu.
Quelles sont tes inspirations ?
Un peu comme tout le monde. Les livres, les films, les artbooks, les travaux des compères. Après j’ai bien sûr des peintres ou des sculpteurs préférés, ou des dessinateurs, des auteurs (Lovecraft), et des réalisateurs (Kubrick notamment), mais je pense surtout qu’il ne faut pas se limiter dans ses recherches et ses documentations.
Mais à choisir, je suis plus facilement transporté par un livre que par tout autre chose. Avec le temps je lis moins, mais les intégrales de Zola, Maupassant, Hugo, ou dans des registres fantasy, Moorcock, Lovecraft, ou Asimov, sont clairement des œuvres qui m’ont marqué.
Quelles sont tes techniques de peinture et de sculpture ?
En sculpture ça va aller vite, vu que je débute je n’ai pas de techniques à proprement parler. Mais si j’avais une préférence pour le Milliput par le passé, je me tourne aujourd’hui largement plus vers le Super Sculpey et la Fimo.
En peinture, les lavis successifs bien sûr. J’utilise aussi globalement deux tailles de pinceau, un taille 1 et un taille 3 (les deux de la marque Kolinski, 8404), même si avec le temps, je fais de plus en plus tout avec le taille 3. En effet, tant que la pointe est bonne, on peut largement faire des yeux détaillés sur une 28mm avec ce genre de pinceau. Les pinceaux 0, double ou triple 0, c’est vraiment de l’esbroufe, en plus d’être bien plus difficiles à utiliser, car ne disposant pas de réservoirs. (J’en parle car on m’a posé la question récemment!).
J’aime aussi beaucoup les encres. Peu à peu, je me tourne vers des gammes d’acryliques dites « d’arts ». Comme les gammes Liquitex, Lefranc Bourgeois ou Golden. Ça évite de travailler avec des tons grisés comme chez Citadel ou équivalents. Leurs seuls désavantages sont des opacités bien moindres, ce qui est parfois problématique. En revanche on gagne énormément en qualité de pigment, saturation, et authenticité de la couleur voulue. Il faut savoir alterner selon les besoins.
Je m’amuse en ce moment sur les couleurs, à jouer avec les opposés chromatiques dans les lumières et non plus uniquement dans les ombres. Je restreins encore plus ma palette, je ne rajoute plus des tonnes de nuances en lavis comme par le passé. Ça dénature trop l’ensemble. Globalement je recherche à avoir des figurines avec des couleurs bien plus saturées et vibrantes qu’auparavant. Enfin je m’essaie à l’aérographe, mais y’a du boulot de ce côté là.
Ton palmarès de trophées est impressionnant. Comment ça s’est passé ?
Globalement je pense que ça s’est assez bien passé sur le long terme. Mais même si gagner des trophées ou des Best of Show est toujours un plaisir, ce n’est pas ça qui fait de nous un meilleur peintre ou un meilleur sculpteur. C’est un plaisir personnel. Je trouve que le fait de se tirer la bourre avec les copains, dans une émulation saine, est bien plus profitable que le concours en lui-même.
Joues-tu aux jeux de figurines ?
J’ai énormément joué à Warhammer Battle et 40k par le passé. Vraiment beaucoup. Aujourd’hui je ne suis plus adepte de ce genre de systèmes trop complexes et globalement mal équilibrés, avec des dizaines et des dizaines de règles spéciales par armées, et qui nécessitent leurs lots d’erratas continus… Sans parler du budget figurine devenant totalement aberrant avec la marque d’Outre-Manche.
J’ai pas mal hésité sur des jeux d’escarmouches dernièrement, notamment entre Eden et Infinity. C’est au final Infinity qui a remporté la palme pour la qualité démentielle de leurs figurines et leur très bon système de jeu. Si le second point est aussi vrai chez Eden, qui dispose d’un excellent système, ça l’est en revanche nettement moins pour les figurines, tant sur les sculptures (malgré une nette amélioration) et les tirages, avec en prime des pompages un peu trop récurrents dans des univers tiers à mon sens. Mais le choix n’a pas été si facile que ça à faire.
Ce sera d’ailleurs l’objet d’un long article dans le prochain Ravage (nouvelle formule numéro 2). J’aime aussi beaucoup Zombicide, mais qui ne l’aime pas ? Cependant je n’ai pas acheté le jeu car à chaque fois que je vais en boutique il est indisponible, et j’ai la flemme de le prendre sur le net. Et puis il y a aussi ce soucis d’univers tiers pour tous les personnages. Pas très cohérent de dire non à l’un, et oui à l’autre. Mais c’est un jeu très fun dans lequel il est plaisant de jouer en coopération… ou pas !
Mis à part la figurine, as-tu d’autres loisirs ou passions ?
J’aime beaucoup la moto. J’ai eu dernièrement une petite Er6-n. C’est tout petit, tout mignon, mais très bien équilibré et maniable. Globalement sinon, je suis un gros joueur en matière de jeu vidéo consoles (et aussi un peu PC/Mac, notamment Diablo 3). Mon dernier plaisir à été d’émuler la Super Nes sur Mac, et de jouer à Zelda 3 avec une manette Xbox 360. Du grand n’importe quoi, mais le fait de savoir qu’on peut le faire est vraiment très plaisant. Sinon je pratique assidûment le Jujitsu et le Judo. Je m’implique aussi dans ces domaines au niveau associatif local et départemental en étant Président de mon club. Et mine de rien ça prend beaucoup de temps. Ce qui a un impact sur la production de figurines.
Quels sont tes futurs projets en matière de figurines ?
Là je dois finir une « Lisbeth » de chez Studio McVey, qui a été l’objet de mon dernier Figostage sur Lyon. Ensuite j’ai un chaman Vorag à terminer, qui comme je le disais plus haut, est surtout une excuse pour m’essayer à une carnation africaine. Enfin, des commandes et des projets dont je ne peux pas trop divulguer d’informations pour le moment. Et à terme, en grand exercice de sculpture : du Cthulhu. Un gros projet que j’aimerais mener à bien, car je pense qu’il y a moyen d’en faire un truc vraiment très chouette.
En tout cas, merci d’avoir pensé à moi pour cette interview !
C’est nous qui te remercions pour ta participation! A bientôt sur le forum.
Un commentaire
Salut Julien, bienvenu 🙂
On me dit dans l’oreillette qu’il y a aussi un projet de grande ampleur sur le terme du carnaval ;p