J’ai longtemps cherché comment titrer ce dossier, parce que je ne voulais pas me contenter de le nommer sobrement Bleemcast. J’ai d’abord pensé à Bleemcast : la formidable aventure, mais aussi formidable soit l’invention du Bleemcast, ça ne collait pas, car si l’idée de base était révolutionnaire dans les faits, ça n’a jamais pu se réaliser à cause de la courte durée de vie de cet « accessoire ». J’ai alors pensé à l’appeler Bleemcast : Chronique d’une réussite éphémère, mais mon analyseur SEO est venu me tirer les oreilles, titre trop long. Donc FUCK, je me suis contentée de Bleemcast, car après tout, on s’en fout un peu du titre, c’est le contenu du dossier qui compte, n’est-ce pas ?

Mais, c’est quoi un Bleemcast ?

La décomposition du mot Bleemcast fait apparaître deux parties distinctes, Bleem et Cast, Cast comme Dreamcast et Bleem est le nom d’une société américaine (Bleem Inc. pour être plus exact). Bleem est aussi l’acronyme de Best Little Emulator Ever Made, soit pour les non anglophones le Meilleur petit émulateur jamais conçu, rien que ça (même si son créateur n’a jamais confirmé cette signification) ! Bleem! a développé un émulateur Playstation qui permettait de jouer à des jeux Playstation sur son PC (intitulé Bleem!) ou sur sa Dreamcast (Bleemcast!). Dans ce dossier, nous nous intéresserons donc au logiciel Bleem! puis plus particulièrement au Bleemcast.

les débuts de Bleem! sur PC

L’émulateur Bleem! a tout d’abord été développé sur PC début 1999 par le programmeur Randy Linden. Ce dernier l’a mis au point en étudiant minutieusement par rétro-ingénierie la façon dont fonctionnaient les codes des jeux Playstation, sans connaître les détails du fonctionnement du système Playstation.

Si on se base sur les propos de David Herpolsheimer (le président de Bleem) lors d’une interview sur le site IGN, 80% des jeux PS1 seraient compatibles avec son émulateur Bleem! sur PC. Pour lui, utiliser le Bleem! pour jouer à ses jeux PS1 sur son PC n’est pas de la piraterie, puisque le joueur possède le jeu original, il l’utilise juste autrement, sur une autre plateforme. Le Bleem! permet, en outre, d’améliorer le confort de jeu, surtout graphiquement. Selon lui, le « vrai » piratage, c’est faire poser une puce dans sa Playstation pour quelques billets et utiliser des jeux gravés avec. L’intention était peut être louable, mais pas aux yeux de Sony qui lança une procédure pour violation de brevets seulement deux jours après le lancement du logiciel Bleem! sur PC. Ces tentatives s’avèreront infructueuses au niveau légal puisque Sony n’obtiendra aucune condamnation de la société Bleem!, qui reste libre de commercialiser son logiciel ainsi que de l’adapter sur d’autres plateformes.

Bilan : 250 000 exemplaires de Bleem! pour PC vendus à travers le monde.

L’arrivée sur Dreamcast

Nous sommes au salon de l’E3, se déroulant à Los Angeles en Mai 2000. Bleem! annonce l’arrivée prochaine de son logiciel Bleemcast pour émuler des jeux Playstation sur Dreamcast. Inutile de dire que cette annonce fait fureur. Tellement que des gens de Sony crient au scandale sur le stand de Bleem!, forçant ce dernier à enlever le moniteur faisant passer des vidéos de Gran Turismo démontrant les qualités de l’émulateur afin d’éviter l’éviction du salon.

Publicité mensongère !

L’arrivée du Bleemcast sur Dreamcast a été rendu possible en contournant les sécurités de la machine de Sega en exploitant le support MIL-CDs de certains modèles Dreamcast (les premiers modèles japonais et américains ainsi que tous les modèles européens). Le MIL-CD était un format de CD créé par Sega et était prévu pour adjoindre des fonctions multimédia aux CD de musique. D’ailleurs, les failles de ce support MIL-CD ont aussi permis aux hackers de démarrer des jeux gravés à l’aide d’un autre logiciel, celui-là aux intentions moins louables, le bootdisk d’Utopia.

Bleem! avait l’intention de sortir différents Bleempaks, chacun compatible avec une centaine de jeux PS1. Bleem! voulait également produire des Bleempads, des manettes reprenant les fonctionnalités de celles de la Playstation, le controller Dreamcast ayant un nombre de boutons moindre que celui de la console de Sony. Et enfin, pour mettre fin aux problèmes de sauvegarde, Bleems voulait mettre sur le marché des adaptateurs pour connecter et utiliser sa carte mémoire Playstation sur sa Dreamcast.

Et si… mais non !

Malheureusement, Bleem! a dû revoir ses ambitions à la baisse, les difficultés techniques rencontrées ne leur permettant pas de développer un logiciel compatible avec plusieurs jeux. Il y eut donc seulement 3 disques Bleemcast de commercialisés pour les jeux suivants : Tekken 3, Metal Gear Solid et Gran Turismo 2, les deux premiers dans un boitier crystal, le dernier dans une simple pochette cartonnée.

Les 3 seuls Bleemcast sortis.

Bien que les nombreuses attaques en justice de Sony n’aient pas abouti favorablement pour eux, l’accumulation des différents frais de justice (comme les honoraires d’avocat, non négligeables) ont fini par assécher la trésorerie de Bleem!. Si on ajoute à cela les tentatives d’intimidation de Sony envers les commerçants vendant dans leurs étals les logiciels Bleemcast, la boucle est bouclée. Les caisses sont vides et l’argent ne rentre pas.

Bleem! ferma donc ses portes fin 2001. Sur son site internet, la page d’accueil fut remplacée par une image d’une tombe au nom de Bleem! où se recueillait un hérisson bleu similaire à Sonic, au risque d’obtenir un nouveau procès, cette fois de la part de Sega, resté tout au long de la saga Bleemcast muet comme une tombe …

Finalement, Randy Linden et David Herpolsheimer furent embauchés par Sony.

Pourquoi est-ce que Sony a été si méchant ?

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Et bien, pour une affaire de gros sous, vous l’imaginez bien. En effet, à l’époque, chaque éditeur de jeux PS1 devait verser environ 10$ par jeu à Sony pour obtenir la licence et donc le droit d’éditer son jeu sur la console de Sony. A l’époque, les éditeurs de jeux sur PC n’avaient aucun frais de licence à payer. Alors si tu payes une licence pour que ton jeu sorte sur PS1 et que finalement il se retrouve utilisé sur PC, pourquoi payer une licence à Sony ?

Et puis surtout, savoir qu’un de tes jeux, exclu sur ta console, tourne sur la Dreamcast de Sega, ton ennemi, ça a dû en faire grincer des dents chez Sony, Ken et Barbie en tête …

Sony aurait même tenté de racheter la société Bleem! afin de s’emparer de ses émulateurs Playstation, comme elle l’avait déjà fait pour VGS (Virtual Game Station), un autre émulateur Playstation pour PC développé par Connectix (que Sony avait d’abord attaqué en justice, mais comme cette dernière ne lui a pas donné raison, rien de mieux qu’une grosse liasse de billets pour enterrer ce projet).

Les améliorations dans tout ça ?

Dans cette partie, nous nous intéresserons uniquement au Bleemcast. Alors, il convient d’abord de voir les principales différences entre la console Playstation de Sony et la Dreamcast de Sega, qui n’ont pas la même mécanique sous le capot.

La Playstation sort une résolution de 320 x 240 alors que la Dreamcast, elle, sort du 640 x 480. Si la résolution est plus grande, les graphismes, eux, sont améliorés grâce à des filtres bilinéaires ainsi qu’un anti-aliasing (diminution de l’effet d’escalier) utilisés par la Dreamcast.

Différence selon la plateforme utilisée avec le jeu Metal Gear Solid

Les conséquences de la fermeture de Bleem!

Donc si vous avez bien suivi mon propos, vous avez compris qu’il n’y a eu que 3 jeux Playstation compatibles bleemcast sur Dreamcast : Tekken 3, Metal Gear Solid et Gran Turismo 2. Bleem! projetait de sortir des Bleemcast pour faire fonctionner d’autres blockbusters de la PS1: Final Fantasy IX en tête de liste, mais ayant rapidement dû mettre la clé sous la porte, Bleem! n’a même pas eu le temps de commercialiser les accessoires prévus pour faciliter l’utilisation de son logiciel.

Ainsi, parlons un peu des sauvegardes de jeux PS1 sur Dreamcast. S’il est possible d’utiliser un VMU pour sauvegarder sa partie en cours, sachez toutefois que votre VMU sera à jamais sacrifié pour sauvegarder un des trois jeux PS1 compatibles, même en le réinitialisant.

Conclusion

Les émulateurs n’ont jamais été vus d’un bon œil par les sociétés développant des machines de jeux. Pourtant, à la base, Bleem!, avec son Bleemcast voulait permettre d’utiliser ses jeux Playstation en exploitant une machine avec de meilleurs capacités graphiques. Suite à la fermeture de Bleem!, des hackers ont continué de travailler sur le code pourtant bien protégé du Bleemcast pour proposer des versions permettant de faire passer plus de jeux, mais aussi de booter des jeux gravés.

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