Alien Vs Predator, CAPCOM

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Je me souviens très bien être entré un été dans la grande salle d’arcade de Châtelet (celle-là même qui s’étendait sur deux niveaux … devenue entretemps un fast food italien, et aujourd’hui le café Starbucks de la rue Saint-Denis) pour conclure une tournée parisienne, un peu par désoeuvrement. A l’étage, mon attention fut attirée par des digits vocales inconnues, émanant d’une nouvelle machine postée à gauche de la borne (sur-bondée) du tout récent King Of Fighters 94′. Réactions à chaud :

« >>Tiens, encore un n-ième Beat’em All …

>>Mmh, les sprites fleurent bon la production Capcom …

>>Roh, on dirait des Aliens. Ils ne se sont pas gênés pour le copyright, les salauds …

>>Mais ?!? Rectification, ce sont bien des Aliens, et un duo de Predators est en train de les massacrer à tour de bras !

>>Shut up and take my money !!« 

Le prolifique éditeur nippon s’était bel et bien payé la licence Alien vs Predator pour la thématique de leur BTU, et quand on voit combien le résultat tient encore bien la route quelques 20 années après sa sortie (!), on peut affirmer qu’elle a rarement été aussi bien exploitée.

Planner : Kame, Garuda Tetsu, Wda T
Programmer : Cham Cho Choy, Arikichi Kiyoko, Pon, Hard.Yas, Shinchan
Character designer : Hayashi, Yus, Shisui, Vlad T, Ban, Kawatori, Shige, Jun 26
Artist : Iwai, Hiroki Ohnishi (Ohnishi.H), Konishi.H, Norisaki Chie, Fukunoyan, Kisa, Angus
Music composer : Hideki Okugawa (Hideki Ok)
Sound designer : Toshio Kajino

Présentation du jeu

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On se trouve ici en face de la quintessence du Beat. Forts de leur expérience sur Final Fight, Captain Commando, Punisher ou Cadillacs & Dinosaurs ,  les développeurs ont condensé tout ce qui pouvait se faire de mieux dans la matière … avec des Aliens en prime !

Oui, oui, on sait que vous voulez les revoir … les stickers de la borne d’arcade. Toute une époque !

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D’emblée, on s’étonne de se retrouver devant une narration plus poussée que d’accoutumée pour un BTU. Le jeu est étonnamment bien scénarisé au moyen de nombreuses cutscenes,  la trame de l’histoire s’inspirant librement des comics Dark Horse parus dès 1991.
Se déroulant sur Terre (probablement dans le futur décrit dans Aliens, soit vers 2179), elle leur est bien plus fidèle que les films honteux sortis sur grand écran.

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Dans ce Beat féroce développé sur CPS-2 arcade, jusqu’à trois joueurs peuvent mettre leurs efforts en commun pour anéantir successivement des hordes de xénomorphes, d’infectés et de militaires renégats.

Les deux Predators (ou « Yautja », comme on l’entend maintenant souvent) se déclinent en Warrior et Hunter. Si les deux profils sentent un peu la redite, ils permettent surtout aux joueurs de ne pas se disputer le rôle du pred.

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Les cyborgs humains proposés sont en revanche très différents. Linn Kurosawa mise avant tout sur la cadence de tir et la rapidité de déplacement, là ou le major Schaefer (une version cybernétisée du personnage d’Arnold dans le premier Predator, parfois orthographié « Schaeffer ») tiendrait plutôt le rôle d’un Haggar dans le roster.

Fait rare, AvP se joue avec 3 touches :

Arcade-NeoGeo-A est le bouton de tir. Active le plasma caster des Predators, le pulse handgun de Linn ou le smartgun de Schaefer.

Arcade-NeoGeo-B est le bouton d’attaque corps à corps.

Arcade-NeoGeo-C est le bouton de saut.

Classiquement, presser 2 boutons simultanément déclenche cette attaque de balayage très efficace qui estourbit tous les ennemis à la ronde, au prix d’une fraction de votre barre de HP.

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Le jeu gère les munitions des combattants via un système de jauge. Une fois vidée, l’armement à distance est indisponible pendant le cooldown, ce qui n’empêche pas Schaefer et les Predators de se battre pendant ce délai. La jauge de Linn fonctionne très différemment, la laissant vulnérable pendant le rechargement.

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L’un des grands intérêts du jeu réside dans son équilibre bien dosé entre Run & Gun et Beat’Em All. Le gameplay en devient plus varié et divertissant que ne l’était celui de l’Aliens de Konami (1989), résolument orienté tir.

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Capcom n’en étant plus à un coup d’essai avec ce titre, la maniabilité est ici exemplaire. Les enchaînements sortent à la perfection, les grabs sont d’une facilité déconcertante à exécuter, et les glissades ne se déclenchent jamais involontairement. Si on veut chipoter, demeure tout de même un problème inhérent à la fonction « ramasser un objet »  partagée sur la touche « action ». Sur un parterre d’armes, on se retrouve à switcher frénétiquement d’items alors qu’on voulait juste tartiner l’adversaire.  Il est aussi un peu frustrant de perdre son équipement principal à chaque fois qu’on est jeté au sol.

Des différences subtiles se font sentir selon le personnage sélectionné, renouvelant agréablement l’expérience de jeu en vous forçant à composer avec les particularités des protagonistes. La force de frappe de Linn est la plus faible du jeu et un « grab » classique lui fait défaut, mais elle possède en contrepartie la plus longue liste de spéciaux du casting. Shaefer voit son saut bridé et se déplace avec la célérité d’un vieillard asthmatique, mais son arme de corps à corps étant intégrée (prothèse bionique) elle ne tombe pas au sol quand il est touché, …

Pour autant, vous n’incarnez pas la victime du jeu: rarement on aura ressenti un tel sentiment de puissance aux commandes d’un personnage dans un Beat.

On se retrouve donc devant un produit technique et complexe, proposant des protagonistes aux aptitudes différenciées et disposant chacun d’un panel de coups étonnamment élevé. A trois joueurs, le nombre de sprites à l’écran devient affolant. De manière générale, le rythme du jeu est implacable, et les Aliens apparaissent en si grand nombre que l’on se retrouve illico à tabasser des paquets de 4 ou 5 créatures à la fois. En dépit de tous les avantages mis à disposition, rarement la notion de crowd control aura été aussi vitale dans un BTU.

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Côté ambiance, l’immersion dans l’univers d’Aliens est totale. On ne peut que se délecter en appréciant le soin porté aux détails sonores: râles d’agonie des Aliens, staccato incisif des rafales de pulse rifle, servo-moteurs du power loader, « HISSSS » de la reine … tout y est.

Les graphismes ne sont pas en reste, et l’équipe de Capcom nous gratifie encore une fois de superbes sprites comme elle seule savait en produire à l’époque. La colorisation fait la part belle aux tons pastels et désaturés, plus appropriés au thème que ne l’étaient les Aliens de Konami, véritables explosions de pixels fluos. A noter l’incorporation d’intéressants effets d’éclairage, qui surviennent lors des rafales de tirs ou de la mise en oeuvre des spéciaux.

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L’animation des sprites est exemplaire, j’en veux pour preuve la décomposition des mouvements de cet Alien warrior :

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Le bestiaire a été intelligemment pensé, implémentant de nouvelles espèces (stalkers, smashers, defenders, arachnoids, …) pour induire de la diversité dans leurs rangs sans sombrer dans l’extravagance. Tout en les conformant aux archétypes d’ennemis de beat’em all , les concepteurs sont parvenus à les garder cohérents et moins excentriques que ne l’étaient les monstres du jeu de Konami. A noter toutefois l’apparition surprenante du Chrysalis Alien, présent chez le concurrent et devenu ici un mi-boss rencontré occasionnellement.

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La palme de l’ennemi le plus pénible à affronter revient indubitablement aux Aliens defenders, véritables coffres-forts sur pattes se protégeant contre vos attaques.

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Directement issu des films de la licence, l’arsenal à ramasser est conséquent: les smart guns, pulse rifles et autres flamethrowers sont tous de la partie. Une mention spéciale pour le flying disc Predator, arme ultime capable de ravager des légions entières de xénos avec un peu d’habilité.

Move List: Major Dutch Schaefer

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Les développeurs ont brassé large pour concevoir le level design, reprenant tantôt les décors industriels des films, tantôt les situations les plus marquantes des comics.

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Certains environnements rendent hommage aux albums résultant de la collaboration entre Denis Beauvais et Mark Verheiden (qu’on a retrouvé depuis à l’écriture de plusieurs épisodes de Battlestar Galactica. Que le personnage de Tommy Flanagan dans le premier film AvP porte son nom n’a rien d’une coïncidence -NDLR-).

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Le premier contact devrait s’effectuer sans trop de casse, niveau introductif assez bref se concluant par un combat de boss en huis-clos. Une bonne mise en jambe vous permettant de vous familiariser avec l’ennemi, de réaliser combien ces cochons sont costauds, perfides et réactifs. Ils s’immiscent dans votre dos pour vous prendre en sandwich entre 2 groupes bien compacts, esquivent vos tirs en sautant, vous crachent de l’acide à la figure, rampent au sol pour éviter vos tirs de Pulse Rifle. On entre ensuite dans le vif du sujet en se coltinant des groupes de xénos de plus en plus nombreux et sournois, combat qui culmine lors d’une incursion dans le vaisseau des Ingénieurs où se terre une Reine passablement énervée.

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En chemin, vous croiserez la route d’un Yautja albinos, le Mad Predator avant de vous préparer à l’affrontement ultime…

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Quelques ombres viennent néanmoins plomber ce tableau idyllique. A commencer par ce niveau 3 anecdotique, se déroulant sur le toit d’un APC lancé à pleine vitesse au milieu d’une horde d’Aliens. Comme vous disposez de munitions illimitées, le level ne présente pas grande difficulté … en fait, on tue souvent son Boss « Arachnoid » par accident !

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Plus ennuyeux, le rythme est un peu moins soutenu une fois arrivés à la moitié du jeu. La faute en incombe à un long passage vous mettant aux prises avec des marines coloniaux, qui nous fait réaliser qu’affronter des adversaires dotés d’armes à distance devient tout de suite moins drôle. Aussi, le jeu devient malencontreusement chaotique lors d’un bref passage combinant sentry guns et lasers de défense, vous faisant griller à répétition dans de grandes gerbes de flammes.

Mah … quel BTU est exempt de défauts ? Détails que tout cela.

Move List: Lt. Linn Kurosawa

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 Conclusion

Si l’on met à part l’excellence de ce titre et son fun intense, on réalise bien vite son atout majeur : il contient tout ce qu’on voulait voir dans les films, et qui nous a été sucré (sauf peut-être le Predalien, grand absent de la fête).

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Du coup, on se retrouve à participer à une sorte de revanche interactive sur ces longs-métrages miteux … ce jeu formidable nous convie à la succession de scènes excitantes qu’on était en droit d’attendre sur grand écran, mais dont on sera au final privés grâce à Paul W.S. Anderson (AVP) et plus particulièrement aux frères Strause (AVP: Requiem).

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On tient là plus qu’un défouloir. Si la transition « film d’horreur/beat’em all » se fait au prix de la perte du caractère terrifiant des Aliens, il nous permet d’assouvir une vendetta légitime sur ces créatures, qui passent du statut d’effrayants croque-mitaines à celui de punching-balls.  A titre personnel, j’aurais adoré avoir ce jeu tout môme pour pouvoir exorciser ma peur de ces bestioles. Il demeure non seulement un formidable BTU, mais peut-être aussi mon jeu AvP favori !

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Suite aux problèmes de droits sus-mentionnés, le jeu n’a jamais connu de portage. Une version Sega 32X avait été annoncée pour 1995, mais n’a finalement pas été commercialisée.

Alien Versus Predator version Jorudan.

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Vingt années se sont écoulées depuis sa création, et le jeu n’est pas pour autant sorti des mémoires … Capcom a révélé en 2013 que de tous les BTU jamais produits par la société, une version HD d’Alien Versus Predator reste le remake le plus sollicité par les fans, qui produisent sans relâche des hommages affectueux :

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proxy action figures de Jin Saotome

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Mieux vaut ne pas s’attendre à un portage imminent, Sega détenant actuellement la licence (quand on voit ce qu’ils en font !)

Pour autant, Prodos games est parvenu à ressusciter Linn et Dutch à l’occasion de leur Kickstarter AVP … affaire à suivre !

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Alien Versus Predator Capcom, 1994
PERSONNAGES 8: 2 predators au gameplay similaire, 2 humains bien distincts.
GRAPHISMES 9: du joli sprite de chez Capcom, superbement animé.
MECHA/CREATURE DESIGN 9: des xénomorphes très bien modélisés. Pas mal de variété sans entrer dans l’exubérance.
LEVEL DESIGN 7: on attend pas grand chose des Beat’em all dans ce département, ça reste de la ligne droite. Des environnements très atmosphériques, repris des films & comics de la licence.
DIFFICULTE 8: Les impitoyables hordes d’Aliens vous attaquent constamment. Par chance, vos personnages comptent parmi les plus costauds jamais vus dans ce type de jeu !
MUSIQUE 7: orchestration un poil trop synthétique, mais thèmes oppressants ou héroïques quand il le faut.
ORIGINALITE 8: non, on ne peut pas dire que le thème soit bien original. Mais les deux persos cyborgs ajoutent leur contribution au sujet.
BOSSES 9: (trop ?) parfaitement choisis. Pas de Predalien ?
FUN 8 : quasi sans -faute, à part un passage contre les marines un peu mou du genou.
DUREE 8 : 7 niveaux, dont un (#3) qui tient plus du bonus stage.
NOTE GLOBALE 81/100

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Puis, arrive la déception …
On pense avoir atteint un niveau de maîtrise correct dans un jeu, et on tombe sur les vidéos de combos abusées de certains maniaques:

88%
88%
Bon poulet
  • DESIGN
    9
  • GRAPHISMES
    9
  • Durée de vie
    9
  • SON
    8
  • Intérêt général
    9
  • Notes des internautes (4 Votes)
    9.5
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A propos du gangeekeur

Un commentaire

  1. THAT BEAT EM ALL !

    Linn Kurosawa for the win ! qu’est ce que j’aime ce jeu, j’en ai claqué des pièces de 10 balles dedans.

    Pour moi c’est assez incompréhensible que le jeu n’ai jamais été adapté sur aucun support (ou dispo en démat sur le live arcade / psn), peut être un problème de rachat de license, ce titre représente la perfection du beat em all, il y a tout ce qu’on peut attendre dans un tel jeu et à chaque fois c’est niveau max.

    Super « dosstest » en tout cas, ça m’a donné envie de me faire une partie, je me prendrai surement un jour une borne rien que pour ce titre de toute façon 😀

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