interview: Dimitri Delattre de Deadpan Dodo

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Connaissez-vous Deadpan Dodo? C’est un studio qui réalise des jeux pour mobile. Nous avons eu le plaisir de discuter avec le Big Boss Dimitri Delattre. Toute la team de GGS tenait à le remercier pour sa disponibilité et sa gentillesse. N’oubliez pas de télécharger leurs jeux pour soutenir ce créateur de génie!

Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs qui ne connaissent pas Deadpan Dodo?
Je m’appelle Dimitri Delattre, j’ai 36 ans, je suis le fondateur et gérant de Deadpan Dodo, un micro-studio spécialisé dans le jeu mobile (smartphones et tablettes, iOS, Android, Kindle, et bientôt Windows Mobile).

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Pouvez-vous nous parler de vos parcours professionnels à vous 2 ? Comment vous êtes vous lancés dans le jeu vidéo indépendant?
Bibiana, qui s’occupe principalement du Marketing et de la traduction en espagnol, ainsi que d’une partie du contenu en anglais et d’une partie du test, vient du monde de la traduction, du droit et du secrétariat. Elle est aussi le point de contact principal entre nos fans et la production. Elle est arrivée un peu par hasard dans la société et dans le monde du jeu, mais a su rapidement contribuer aux projets et aux produits, en termes de qualité notamment.
Quant à moi, je travaille depuis une douzaine d’années dans le secteur du jeu. D’abord chez Electronic Arts à Vancouver, Canada, (6 ans) en tant que Tester, puis Senior Tester, puis Producer. J’ai continué à Paris chez Visual Impact (4 ans, un studio qui n’existe plus aujourd’hui) comme Designer et Creative Director, où j’ai eu l’occasion de travailler avec beaucoup de compagnies plus importantes comme Ubisoft, MindScape, etc … Enfin, j’ai finalisé mon parcours de salarié à Buenos Aires, Argentina pour SGN (Social Gaming Network / Mindjolt) en tant que Creative Director/Art Manager/GM suivant les besoins.
A peu près 1 an avant de quitter SGN, j’ai commencé à apprendre à coder (à 33 ans). J’ai alors monté Deadpan Dodo, mais dans un premier temps, je ne travaillais sur le projet que soirs et week-ends. Puis dès que j’ai eu le sentiment de me débrouiller, je me suis lancé à plein temps dans l’aventure, l’envie de pouvoir enfin faire exactement ce que je voulais était trop forte !
La société Deadpan Dodo (2D Art Factory de son vrai nom) est officiellement basée à Paris, France, mais on travaille d’un peu partout, notamment de Paris, Marseille et du Touquet, là où on trouve un toit pour nous héberger.

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Bibiana Bertone : Marketing, Traduction Espagnole, Relation fans.

Quel est votre plus grande réussite depuis que vous avez lancé votre studio ? Pouvez-vous nous expliquer votre démarche ? Pourquoi vous êtes vous orientés vers ce style de jeu? Quels sont les points forts de vos réalisations par rapport à vos concurrents ? Alors, il y a 2 réussites à mon sens. On ne comptera pas le nombre d’échecs par contre ! La première, c’est d’avoir réussi à sortir plus d’une dizaine de jeux sur plusieurs supports en à peine 18 mois, d’avoir constitué déjà une fan base de plus de 1500 personnes, et tout ça en partant de pas grand chose, si ce n’est rien; à peine 2000 euros de capital financier.
La deuxième, c’est incontestablement notre jeu 3 icônes, 1 mot : Casse-tête, qui a été featured pendant presque 2 mois par Apple et qui résume bien la mission que je m’étais donnée, à savoir : “Faire des jeux funs et sympas à jouer, avec une composante culturelle/intellectuelle/éducatrice”.
Cette composante était pour moi essentielle : le “jeu éducatif” se développait, mais par l’approche “éducative”, pas par l’approche “fun”. Ce qui rend ce type de jeu particulièrement.. ..rébarbatif pour ne pas employer un mot plus sévère et nettement plus vulgaire.
Je voulais montrer qu’on pouvait faire des jeux sympas qui permettent d’apprendre et de réfléchir (que ce soit l’orthographe, des trucs culturels, des notions, etc.) sans pour autant s’ennuyer, voire même sans se rendre compte qu’on est en train de développer ses compétences.

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En ce qui concerne nos points forts par rapport à nos concurrents, il y en a au moins trois, et qui sont là depuis le départ car ce sont les piliers fondateurs de Deadpan Dodo:
1. La qualité : J’ai travaillé assez longtemps dans le jeu vidéo pour voir des jeux sortir des tuyaux avec un nombre incalculable de bugs, d’erreurs, etc. Bien sûr, on peut faire des mises à jour, mais je ne voulais pas que mes clients soient aussi mes beta-testeurs. Ils ne méritent pas ça.
2. Le contenu : Combien de jeux de nos concurrents s’arrêtent au bout d’une heure à peine de jeu? Nous assurons à nos joueurs un contenu suffisant pour profiter pleinement de nos jeux.
3. L’échange : Encore une fois, il me paraissait improbable de créer des jeux, de les vendre, et de se désintéresser complètement de nos clients, de nos fans. On met un point d’honneur à permettre à nos fans de nous écrire depuis n’importe laquelle de nos applications et de répondre à tous les remarques pertinentes que l’on reçoit.

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Dimitri Delattre : Fondateur, CEO.

Vos jeux fonctionnent sur plusieurs supports. Pouvez-vous nous parler du processus de réalisation?
Ahah, c’est un secret très bien gardé !!!
D’un point de vue technique, j’ai privilégié 2 choses : Un moteur de jeu unique et des librairies propriétaires, développés par mes soins, souvent entre 23h et 8h du matin!
Le moteur s’appelle HybriD*, se base sur le SDK de CoronaLabs et permet d’optimiser la création de jeux de type “Quiz”. L’idée est de pouvoir créer des jeux de Quiz/Lettres le plus rapidement possible, avec la meilleure qualité possible, et donc, à terme, pouvoir s’associer avec des gens qui veulent créer des jeux de ce type mais qui ne connaissent rien à la création de jeu, voire rien au secteur. Par exemple, si l’un de vos lecteurs a une compétence particulière (l’architecture, mettons) et souhaite faire un jeu où le but est de reconnaître des immeubles/constructions célèbres, il peut venir nous voir avec le contenu du jeu (la base de données) et nous pouvons rapidement monter un partenariat pour développer son jeu de niche ensemble.
Les librairies propriétaires sont d’une certaine façon la suite logique d’HybriD*, mais permettront à terme de simplifier la création de tous types de jeux, pas uniquement les quizz.

Du point de vue graphique, je m’inspire de tout ce que je trouve “beau”. Je prends régulièrement des photos ou des captures d’écran de sites web, d’affiches, de peintures dans les musées, d’interface utilisateur, d’exposition de rue, etc. A chaque début de nouveau jeu, je parcours cette base de données et cherche quelque chose qui pourrait bien correspondre au style du jeu, à la cible, etc. Je me trompe régulièrement d’ailleurs, et ça donne parfois un petit côté décalé qui me plaît bien !

D’un point de vue du design maintenant, j’ai beaucoup d’idées mais rarement le temps de tout faire, je choisis en fonction du potentiel que j’y vois, du plaisir que j’aurais à y travailler, de la composante ‘culturelle’, et bien sûr du temps estimé à investir dans le projet. J’ai littéralement des dizaines (voire une ou deux centaines) d’idées de jeu, plus ou moins abouties. Et la liste grossit bien plus vite que notre catalogue!

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Quel est le modèle économique de vos jeux?
“Freemium+ads” comme on l’appelle dans le métier : Des jeux gratuits, contenant des achats intégrés et de la publicité. N’importe quel achat enlève la plupart de la publicité intrusive (pop-ups/full screen).
Idéalement, j’aimerais faire des jeux sans publicité, mais économiquement, il est nécessaire de monétiser les joueurs qui ne dépensent pas.

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Quelles sont vos inspirations?
Wow, c’est large! De la BD aux livres classiques, des bouquins d’économie de Piketty à l’Archipel du Goulag, des œuvres d’art aux séries, des jeux de mes neveux aux artistes de rue, des films à la musique, de mes croyances à mes envies. On ne peut pas dire que j’aie une seule source d’inspiration, c’est vraiment un mic-mac de provenances.

Quelle est votre cible ? Les vieux, les jeunes, les fans de Candy Crush?
Question très intéressante. En premier lieu, c’était plutôt les ‘vieux’ c’est à dire les joueurs de 30-35 ans et plus. Puis j’ai découvert petit à petit qu’un nombre assez important de jeunes, notamment chez les filles, s’intéressaient à nos jeux. Depuis, je ne vise plus de niches, je fais des jeux auxquels je pense que j’aimerais jouer, je me trompe parfois ! Et je ne fais plus de pronostics sur nos fans, je les écoute à la place, parfois, au moins !

Que pensez-vous des jeux comme Candy Crush, Angry Bird etc. ? Sont-ils pour vous des modèles à suivre et des réussites ? Avez-vous d’autres références ?
Candy Crush est intéressant d’un point de vue social et économique, et de game design. Le concept du jeu est très vieux, CC n’a rien inventé. Mais les développeurs ont su ajouter un touche d’addiction par la progression et les récompenses, et dominer la composante sociale, souvent en inondant FB à l’insu de leurs joueurs, ce que je trouve déplorable, mais passons. C’est assez Pavlovien, mais ça marche. En ajoutant à ça un matraquage médiatique, le résultat est pour le moins exceptionnel, au moins en ventes. Je n’y joue pas personnellement, et je suis étonné que le jeu ne se soit toujours pas essoufflé. Je pense que les joueurs de CC s’abrutissent parfois un peu. Le jeu est très répétitif. Il devrait essayer de se challenger un peu plus dans leur activité ludique. Ils jouent à un jeu qui les récompenses, qui ne les font pas vraiment réfléchir, dans lequel ils se confortent et se sentent conforter. C’est leur choix, je le respecte, mais regrette qu’ils manquent peut-être un peu d’esprit de découverte envers d’autres productions.

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Angry Birds se base aussi sur un concept déjà existant, mais les designers ont vraiment su le magnifier, l’améliorer, et laisser une marque dans le jeu vidéo. Un excellent modèle de ludisme à suivre.
Donc pour répondre à votre question, AB est bien plus un modèle à mes yeux que CC. Mais dans les 2 cas, ce sont des jeux développés par des grosses équipes, avec de vrais moyens financiers. On ne joue pas dans la même cour.
J’ai au moins une autre référence dans le jeu mobile, c’est Clash Of Clans. Là, le concept est nouveau, le jeu était bon à sa sortie et a été maintes fois mis à jour pour le bonifier. Leur business plan est excellent, la qualité est là, le design est là, et le résultat aussi.
Hors jeux mobiles, ma dernière référence en date est “The Last of Us”. J’ai vraiment pris une claque. Et la production de nos jeux aussi pendant une petite semaine!

Quels sont vos futurs projets ?
Mais ça aussi c’est top secret!
Pour cette rentrée, on a 2 jeux de citations tronquées dans le même style que “Les Mots Déserteurs : Drôle de citations” (le premier est sorti hier, « Amour, Sex & Relations, le jeu », et le 2ème, “Les Mots Sages” sort dans 2 semaines), et 1 jeu de puzzle de mots sur les champs lexicaux (dans le même esprit qu’un autre de nos jeux : « Fast 4 Words », mais sans le timer, sans pression) qui sortira dans 1 mois.
Puis il va y avoir un jeu sur les chanteurs et musiciens (retrouver leurs noms grâce aux titres de leurs chansons) prochainement, et je ne sais pas encore très bien pour la suite, il y a beaucoup d’idées, il va falloir faire des choix.
A terme, on espère pouvoir louer des locaux, embaucher et former des jeunes, produire plus, plus vite, tout en gardant nos ‘piliers’ en tête, mais ça prend du temps. Voilà pour les projets.

Pour finir vous êtes:

Nintendo ou Sega ?
Nintendo plutôt. Pas forcément pour leurs machines, mais plus pour leurs softwares.

RPG ou Jeu de Baston ?
Plutôt RPG, mais je n’ai pas toujours dit non à un Street Fighter. Enfin à choisir, surtout RTS.

Jeu de course ou Jeu d’avion ?
Les 2.

Bière ou Vin ?
Les 2 !

Rock ou Rap ?
Plutôt Rock, mais il y a pas mal de Rap américain que me plait de temps à autre. Le Rap français, dans l’ensemble, me gonflait il y a une dizaine d’années, et je n’ai jamais eu la curiosité de retourner voir depuis.

Console + ou Player One ?
Ni l’un, ni l’autre. Le monde a changé depuis !

Partage moi ça ma gueule !

A propos du gangeekeur

Collectionneur matérialiste, petit joueur, rageman ascendant crevardman, Lutador. Un pigeon parmi les vautours.

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