L’univers du Jeu vidéo en 2013 – Chapitre 1 : Le Game Design (ITW : Thomas Planques)

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Chers Gangeekers,

L’équipe de Gangeekstyle se lance dans un grand dossier qui devrait certainement en intéresser plus d’un. Nous allons vous présenter au fur et à mesure différents avis sur l’univers actuel du jeu vidéo, vu par différentes personnes travaillant ou ayant travaillé dans le milieu. Nous prenons des personnes ayant un métier différent pour leur poser diverses questions en relation avec leur travail, l’univers qui les entoure au quotidien dans leurs tâches, les problématiques auxquelles ils sont confrontés et leur avis général sur l’univers actuel du jeu vidéo, en 2013.

Ces différentes personnes seront interviewées et répondront à nos questions pour tenter de vous éclairer et de vous donner leur avis.

Le dossier vous est présenté sous forme de chapitres traitant tous de différents éléments afin de vous informer du mieux possible. Ils sont assez longs, mais nous sommes certains que vous prendrez autant de plaisir à les lire et à assouvir votre soif de connaissances que nous en avons pris à vous les proposer.

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CHAPITRE I : Game Design

Interview de Thomas Planques, Game Designer.

 

Gangeekstyle : Bonjour Thomas ! Merci avant tout d’avoir accepté répondre aux questions pour le site Gangeekstyle.com !

Thomas Planques : Merci à vous pour votre attention 🙂

 

GGS : Tu es donc Game Designer. Pour le commun des mortel, le GD est un peu comme un magicien à l’origine des jeux vidéo. Est-ce encore vrai de nos jours ?

Thomas Planques : Oulà. D’une certaine manière, oui : le GD pose en effet les règles du jeu, l’histoire. Enfin, c’est surtout le chef de l’équipe GD, qu’on appelle le Directeur Créatif, qui a vraiment la main sur l’ensemble de tout ça – le David Cage / Peter Molyneux / Shigeru Miyamoto de la boîte. Ensuite, chaque GD dans son équipe est spécialisé, j’y reviens plus tard mais en gros un GD ne travaille pas sur l’ensemble du jeu, plutôt sur un ou deux éléments en particulier, en lien avec les autres.

Donc oui, le GD travaille sur les règles et l’histoire, mais être GD ne signifie pas nécessairement créer l’ensemble de l’univers du jeu, loin s’en faut.

Et puis, « à l’origine des jeux vidéo » comme tu dis, à l’origine en tout cas du côté artistique formant les jolies choses que le joueur voit, il y a aussi le Directeur Artistique et son équipe pour les graphismes, et la team du Directeur Sonore pour le son.

Il n’en reste pas moins que le GD est la seule profession propre au jeu, et en est donc forcément emblématique, d’autant que c’est la branche à laquelle appartiennent la plupart des personnalités connues du jeu vidéo.

Enfin, à l’origine des jeux, la vraie, il y a… la thune. Et oui, le nerf de la guerre. Et mine de rien, ça joue énormément : parce qu’avoir un vrai propos, un vrai parti-pris, plein de GD et directeurs créatifs aimeraient, mais quand on met des millions de dollars sur la table, il faut avoir un minimum d’assurance qu’on va les revoir. Et pour ça, rien de mieux que le consensuel, le spectaculaire vide, qui touche bien plus immédiatement le grand public – et est aussi bien plus facile à faire, tout simplement.

D’où un choix nécessaire entre un jeu à la technique incroyable mais creux, et une œuvre couillue et authentique mais forcément plus modeste. De rares génies, ou mecs déjà bien en place, parviennent à allier propos et techniques et à être suivis par les éditeurs, mais c’est l’exception.

 

On a donc ce qu’on mérite : si le public va plus vers les œuvres riches de sens, celles-ci généreront plus d’argent et seront mécaniquement mieux financées.

À vous de juger là-dessus donc gamers, c’est votre choix qui cautionne ce qui se fait, et en ce sens c’est aussi vous qui êtes à l’origine des jeux vidéo de demain…

 

GGS : Peux-tu nous parler de ton expérience professionnelle ? Dans quelles sociétés as-tu travaillé, quels ont été les différents postes que tu y as occupé ? Sur quels jeux as-tu travaillé/travailles-tu actuellement ?

Thomas Planques : J’ai commencé par un coup de chance quand mon meilleur ami, par ces hasards du Cosmos qui décident de la vie, m’a montré une annonce pour un job chez Square Enix sur la localisation de Final Fantasy XI. Rêve de gosse de bosser dans cette boîte mythique à l’époque, on s’est lancés, et pour faire court on a été pris tous les deux et on est partis là-bas un an. Je gérais les sept testeurs qui jouaient au jeu pour reporter les (nombreuses) erreurs de traduction. J’étais trop jeune à l’époque et j’ai fait un peu n’importe quoi, mais ça m’a beaucoup appris.

Ensuite, je suis rentré en France, voulant travailler non pas dans la localisation mais dans le développement proprement dit du jeu. J’ai été testeur à Darkworks – le métier ingrat du domaine, peu considéré, mal exploité, et pourtant indispensable à chaque production. Excellent pour démarrer et apprendre les bases.

Voyant qu’il me fallait plus de spécialisation pour véritablement percer dans le GD, j’ai fait l’ENJMIN, école de jeu vidéo sur laquelle je reviens plus bas.

Via l’école, outre les divers projets étudiants, j’ai pu bosser chez Beyond The Pillars sur Winter Voices. Une petite boîte de vingt personnes, qui avait tout pour réussir à part un directeur créatif complètement à la ramasse, qui a réussi à lui seul à planter la boîte.

 

Sans m’étendre, j’étais Level Designer, ce qui consiste à créer les niveaux. On savait que notre jeu était destiné à se planter, mais on en a quand même retiré plein de beaux souvenirs.

À la fermeture de la boîte, je suis passé chez Cyanide, sur Game of Thrones (le RPG, pas le RTS). Là, ça approchait de la fin de la production du jeu, et je venais en renforts sur les aspects où je pouvais aider.

J’ai donc principalement mis en place le processus de test, écrit plein de trucs que personne ne lira jamais (le Codex, le journal des héros, etc), et géré le processus de playtest (faire jouer des joueurs ne connaissant pas le jeu, les observer et recueillir leur avis ; phase peu connue mais extrêmement importante du développement de jeu vidéo, puisque c’est là qu’on se rend compte des défauts du jeu et de la manière de les corriger).

 

 

Enfin, je suis passé chez Don’t Nod Entertainment, sur Remember Me, qui sort en avril 2013. Là, j’étais Level Designer sur un niveau entier. Là encore, créer l’ensemble de la topographie, gérer le rythme du niveau, concevoir et placer les évènements narratifs et gameplay… toujours en adéquation avec la narration globale du jeu bien entendu.

Actuellement… Je profite d’une période plus calme pour bosser sur quelques projets en freelance (un webdocumentaire sur l’ésotérisme, des cours de conception de jeu vidéo dans des écoles pour sensibiliser les enfants à la gestion d’un projet et à ces nouveaux médias), et commencer à travailler sur la fondation de notre propre studio de jeu avec ledit meilleur ami mentionné plus haut).

Dans tout ce que j’ai fait, j’ai privilégié le fond du projet. Les jeux n’étaient pas parfaits, souvent pas très gros, mais je préfère un projet honorable qui a des belles choses à dire à une grosse machine impressionnante mais creuse voire carrément malsaine – jeux de guerre et autres divertissements basiques. Quoi qu’il en soit, ce qui m’importe avant tout est de travailler sur une œuvre que je pourrai respecter.

 

GGS : Peux-tu nous décrire le travail au quotidien que tu effectues dans le cadre d’un Game Design ?

Thomas Planques : Quand je veux simplifier, je dis que le Game Design, ça consiste à créer les règles du jeu ainsi que l’univers et l’histoire. Ça pose les bases mais évidemment, c’est une simplification assez grossière. Game Design, c’est un terme un peu fourre-tout. Ça couvre un spectre qui va d’une extrémité portée sur la technique et le calcul, à une autre extrémité portée sur la création et l’imagination.

En tout début de production, en lien avec la direction créative, le game design consiste à définir l’expérience de jeu voulue, d’où vont découler les interactions que va pouvoir faire le joueur. On travaille sur le lien entre le gameplay et la narration : les actions que peut effectuer le joueur doivent être cohérentes avec l’ambiance dans lequel on veut plonger celui-ci. On veut un jeu frénétique et haletant ? On va demander au joueur une précision et une rapidité extrêmes, et lui envoyer plein d’éléments dangereux à chaque seconde (un manic shooter comme DoDonPachi ou un beat’them all comme Devil May Cry). Au contraire, on veut un jeu poétique, calme, quelque chose tirant plus sur l’émerveillement ? On va plutôt demander de la réflexion, et ménager du temps au joueur pour profiter de l’atmosphère (Ico ou Flower).

Pour prendre l’exemple d’un jeu simple que tout le monde connaît, dans Mario Bros., cette étape consiste à dire « On veut un jeu basé sur la précision, le timing et le calcul de trajectoire. Le joueur devra donc courir et sauter par-dessus plein d’éléments dangereux. »

Cette définition reste à ce stade très générale. L’expérience voulue va être concrétisée par le gameplay, mais aussi par l’ensemble des éléments artistiques du jeu (graphismes, sons, histoire) et sa structure de progression. Tous les éléments du jeu doivent se répondre, être en harmonie, et le game designer est censé être le garant de cet équilibre. C’est pour ça qu’au fur et à mesure de la production, les besoins en game design deviennent plus spécifiques : côtés mécaniques d’un côté (définitions des règles, réglage précis de chaque composante du gameplay) et côtés artistiques de l’autre (développement du monde, de l’atmosphère, de l’histoire). Je vais me concentrer sur le développement du gameplay, qui suit des processus plus formels que le développement artistique, qui est plus facilement envisageable de manière intuitive.

En définissant le gameplay, on précise les règles au fur et à mesure jusqu’à une granularité de détails très fine. À haut niveau, on détermine la ou les activité(s) principale(s) que le joueur va faire, quels risques il va devoir traverser pour arriver à quels objectifs, et quelles récompenses il va en tirer. Pour Mario, cette étape comprendrait : « Le joueur doit arriver à l’extrémité du niveau dans un temps limité. Il peut courir et sauter. S’il saute sur un ennemi, l’ennemi meurt. S’il saute en courant, il saute plus loin que s’il saute en marchant. Etc etc ».

Plus on détaille ces règles, plus on fait des réglages fins pour que chaque évènement qui se produit dans le jeu retranscrive précisément l’expérience telle que voulue à la base. Tout est dans les détails.

Pour Mario, ça consisterait par exemple à calculer au millimètre près la longueur que Mario peut parcourir en saut selon qu’il coure ou qu’il marche, afin d’offrir exactement la sensation de saut voulue au joueur, et de pouvoir construire les niveaux à partir d’une mesure de saut précise. Après, certains jeux s’appuient plus sur la précision de leur gameplay (jeux de combat, de stratégie, de tir notamment) et d’autres sur leur valeur artistique (jeux d’aventure). Chaque production est différente, et le lien entre le gameplay et la narration, ainsi que le temps passé pour développer chacun de ces aspects, variera donc selon le type de jeu.

Vue l’étendue du domaine, le Game Design se divise en plein de spécialités : Level Design (création des niveaux du jeu, qui ont pour but d’exploiter au mieux possible les règles de gameplay), System Design (détermination de systèmes complexes d’interactions entre les ressources à disposition du joueur), Narrative Design (univers, scénario), ergonomie (rendre le jeu compréhensible et intuitif pour les joueurs, adapter chaque élément au public cible), etc. On fait rarement une spécialité toute sa vie, on travaille plutôt sur plusieurs domaines au fil des projets selon ses préférences personnelles.

Ça c’était pour la version académique. En ce qui concerne ma vision personnelle… je vois le jeu vidéo comme un moyen d’exposer des idées, au-delà du simple divertissement. Comme pour le cinéma, c’est bien qu’il existe des jeux juste pour se distraire, mais il faut aussi des jeux au contenu plus profond – et ceci n’est aucunement en opposition avec la notion d’amusement, heureusement. En ceci, ma vision personnelle du game design consiste à utiliser l’interactivité, qui est l’unicité du jeu vidéo par rapport aux autres médias, en synergie avec la narration et la mise en scène pour exprimer des idées.

Ça peut être fait de plein de manières : le meilleur exemple est à mon sens Ico, dont les thèmes tournent autour du lien à l’autre. Eh bien le gameplay est précisément basé sur ce lien, se basant sur la protection de l’héroïne par le héros, sur leur progression en coopération et sur la communication entre eux.

En ceci, autant le gameplay que la narration sont puissamment liés pour porter un même thème, d’une manière qui n’a son équivalent dans aucun autre média. Ça illustre ce vers quoi, à mon sens, le jeu doit tendre.

Finalement, pour moi le game design, c’est arriver à travailler tous les éléments ensemble pour transmettre les émotions et le message le plus forts possibles au joueur. On peut vouloir faire passer énormément de choses différentes via le jeu, mais personnellement, j’aimerais qu’après avoir fini un de mes jeux, certains joueurs se sentent transformés comme je l’ai été par la vision de nombreuses œuvres d’art.

 

GGS : Comment devient-on Game Designer aujourd’hui ? On sait qu’il existe certaines écoles (certaines mieux que d’autres, la plupart payantes et très chères), qu’as-tu fait de ton côté pour arriver à tes fins ?

Thomas Planques : On retrouve certaines qualités et formations largement répandues chez les Game Designers. La formation déjà, on voit très souvent un background en programmation important pour l’aspect technique et logique, parfois un background en art ou en sciences humaines diverses pour l’aspect narratif et culturel. Il est aussi indispensable (et naturel, puisqu’on fait ça par passion) de se former par soi-même, en lisant des articles (Gamasutra, Game Developer, etc), en analysant les jeux auxquels on joue, etc.

Les GD sont aussi souvent curieux et comportent une culture générale solide : arts (en premier cinéma/littérature/BD au sens large qui sont les plus proches de notre domaine), sciences humaines, domaines plus ou moins spécialisés selon les attirances de chacun. Tout est lié, et il n’y a rien de mieux que de pouvoir tirer de l’inspiration des sources les plus diverses et étonnantes pour créer de l’originalité et du sens.Au niveau des études, il est rare dans ma génération de voir un GD qui n’a pas suivi une formation spécialisée.

La génération précédente, bien placée aujourd’hui, a pu suivre des voies plus diverses et « détournées » car il n’y avait pas encore de formation à l’époque, ça n’est plus le cas aujourd’hui.

En ce qui me concerne, j’ai donc fait trois ans d’informatique, un an d’école d’art, un an de philo, deux ans de formation spécialisée en GD à l’ENJMIN. Je me suis pas mal baladé, un peu au hasard des occasions et de la découverte de ce dont j’avais besoin. J’en tire aujourd’hui un background ouvert et mêlant technique et artistique, ce qui m’est très utile puisque notre métier combine ces deux aspects complémentaires.

 

 

GGS : Il y a (comme dans tous les métiers), le bon et le mauvais Game Designer… Quelles sont selon toi les qualités essentielles d’un bon Game Designer ?

Thomas Planques : Un peu en vrac…

Polyvalence et spécialisation : le bon GD doit, comme je le disais, connaître plein de domaines différents, pour avoir un large champ de vision. De même, techniquement, il est important de pouvoir utiliser des outils variés car notre travail le demande souvent : éditeurs de jeux, langages de programmation, logiciels de graphisme… En même temps, savoir faire un peu de tout, c’est super, mais il faut avoir des domaines où on est vraiment bon. On travaillera souvent dans ce domaine, en utilisant sa connaissance dans les autres pour se renforcer.

Ensuite… Point ultra important, l’égo : les créatifs ont souvent un égo assez fort, parfois surdimensionné. On est dans un domaine où il y a tout à faire, où tout est tellement complexe qu’on laisse forcément passer des choses. De plus, le jeu vidéo suit un modèle de développement itératif, c’est-à-dire qu’on fait une version du jeu, on la teste, on voit les défauts, on les corrige, on reteste, on voit de nouveaux défauts, etc.

Dans cet ordre d’idée, il est donc indispensable d’être capable de se remettre en question, d’écouter les idées des autres, d’aller au-devant du feedback de ses collègues et des joueurs. C’est indispensable aussi pour travailler en équipe, ce qui est à la base du développement de jeux – personne ou presque ne travaille seul.

À moins d’être le chef de la boîte et d’être assez bon pour mener la barque tant bien que mal, les égos un peu trop développés se font très vite griller.

Enfin… Le réalisme. Comme disait Stéphane Natkin, le directeur de l’ENJMIN, « En rentrant à l’école, les GD veulent tous écrire Guerre et Paix. Bizarrement, deux ans après, ces prétentions ont disparu dans un grand nuage de fumée. »

Il faut donc savoir être créatif et ambitieux, certes. Mais le spectaculaire coûte cher et ne rentrera probablement pas dans les limitations de la console, et un gameplay compliqué est difficile à faire comprendre au joueur. C’est effectivement plus facile d’avoir des idées de folie quand on a des millions de dollars sous la main, quand on conçoit le jeu pour un Alienware à 15.000€, et quand le public visé est uniquement soi-même, mais ça n’est jamais le cas.

La bonne idée, c’est donc celle qui est simple et ne coûte pas cher, mais qui a un potentiel très riche à exploiter. On le voit beaucoup avec les jeux indie en ce moment : des Super Meat Boy, Braid, Limbo et leurs successeurs exploitent chacun une mécanique particulière et unique, forte, facile à comprendre, mais qui donne lieu à un jeu entier à elle toute seule. Le bon GD n’est donc pas le débutant prétentieux (que nous avons tous été) qui veut construire une machine de guerre über compliquée, mais bien plutôt celui qui fait des merveilles avec ce qu’il a sous la main. Un MacGyver en somme ^^

 

 

GGS : D’après ton expérience personnelle, quelle(s) école(s) conseillerais-tu aujourd’hui et pourquoi ?

Thomas Planques : Il y a beaucoup d’écoles, beaucoup trop aujourd’hui d’ailleurs, vu qu’il est facile de faire miroiter un métier de rêve à des étudiants pleins d’espoir à peine sortis du bac et à leurs parents qui ne connaissent absolument pas le domaine. En résulte un grand nombre de formations bidon formant des cohortes de futurs chômeurs.

Il faut donc faire très attention à l’école qu’on choisit. S’il y en a ici qui me lisent et sont intéressés par le domaine, je ne saurais trop recommander de se renseigner en détails avant (en demandant à des personnes de l’industrie, à des anciens de l’école… les portes ouvertes ne sont là que pour vendre l’école, vous n’y aurez pas de point de vue objectif). Vous pouvez aussi m’envoyer un mail, aucun souci pour renseigner de jeunes aspirants pleins d’idées de folie 😉

Commençons par trois généralités : Premièrement, quasiment tout le monde dans le jeu a un bac +5, et c’est le niveau auquel mènent de toute façon la plupart des écoles spécialisées (dans le jeu ou dans les spés plus ouvertes comme informatique, art, etc). Ne comptez pas sur un bac +2 pour avoir un job intéressant à moins d’être très, très balèze. Ensuite, rien n’oblige à démarrer directement après le bac par une formation spécialisée dans le JV : le domaine est large, il est toujours temps de s’y spécialiser dans les dernières années de formation. Un début dans un domaine plus généraliste (informatique, arts appliqués, Conservatoire pour les sound designers, etc) permet à la fois d’avoir un point de vue plus large, et aussi de pouvoir bosser dans autre chose que le JV (il n’y a quasiment que les GD qui ne bossent que dans le JV, la plupart des autres professions ont d’autres types de projets à côté, généralement films et multimédia).

Enfin, si vous n’êtes pas passionné, comme dans *réellement* passionné, capable de vous immerger dans le boulot sur vos projets parce que vous vivez pour ça… Ne perdez pas votre temps, vous allez dépenser beaucoup de temps et d’argent pour au final vous réorienter vers autre chose – par déception, nécessité, ou autre.

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La formation que j’ai faite et que j’ai vraiment aimée, donc j’en fais la pub ^^ C’est l’ENJMIN, qui comporte 6 spécialités. La plus réputée, publique et gratuite, clairement le meilleur choix, mais aussi le plus difficile d’y entrer. C’est un Master en 2 ans, il faut donc déjà avoir un bac + 3 ou équivalence professionnelle : l’occasion de démarrer comme je disais par des formations plus larges. L’école comporte assez peu de cours théoriques, sa force est qu’elle se base sur des projets en équipe, apprenant par l’expérience à bosser sur des productions de jeu vidéo.

Il y a énormément de formation, une liste exhaustive serait trop longue, donc vous pouvez déjà aller jeter un oeil sur ce classement : http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/palmares/detail/article/le-classement-2015-des-meilleures-ecoles-de-jeux-video-17431/

Ensuite, mailez-moi si vous voulez des détails sur une formation que vous avez repérée 🙂

Enfin, soyez proactif : on n’est pas au lycée, on ne vient pas apprendre sa leçon et rentrer chez soi pour glander devant la télé. Analysez ce à quoi vous jouez, développez des projets personnels avec des amis (rien de mieux pour se faire de l’XP et un portfolio), lisez des articles, cultivez-vous, bref, allez vers les choses.

GGS : On parle souvent de mini tensions au sein des équipes dans le jeu vidéo. En effet, plus le projet est ambitieux, plus les équipes sont conséquentes, et bien souvent, on imagine des sortes de clans : Dev avec Dev, GD avec GD/graph, Son à part etc…

As-tu remarqué ce genre de souci dans les différentes boites que tu as arpenté ?

Thomas planques : Mmmmh… On a déjà vu que le travail d’équipe est au cœur du jeu vidéo. Donc forcément, les rapports entre les gens sont un point important à gérer. Les problèmes qu’on peut rencontrer à ce niveau-là ne sont pas partout, ils sont liés soit au processus de production qui empêche une bonne communication ou met certains métiers dans une situation critique (deadlines, etc) par rapport à d’autres, soit aux égos particuliers de chacun.

On retrouve cependant des schémas de fonctionnements assez globaux entre les professions, pour le meilleur et pour le pire ! Les game designers n’ont pas assez conscience des réalités, et aiment bien demander la lune aux programmeurs.

Du coup, soit ceux-ci se noient sous le taf, soit ils recadrent les GD en leur montrant leurs erreurs avec plus ou moins de sarcasme.

Les testeurs, eux, sont les personnes qui sont le plus exposées au jeu, donc potentiellement parmi les mieux placés pour en parler. Mais comme ils sont les moins qualifiés, personne ne leur demande leur avis – dommage car quand on les y encourage, ils peuvent avoir beaucoup de choses intéressantes à dire.

Les sound designers sont effectivement toujours un peu à part ! Du fait que leur boulot se situe tout à la fin de la chaîne de production, qu’ils bossent souvent dans un endroit un peu à part (isolé au niveau sonore), voire pas du tout dans le studio de développement, ils se mêlent assez peu au reste de l’équipe… pour l’expérience que j’en ai en tout cas.

De toute façon, quelle que soit la boîte, les problèmes de communication sont omniprésents. La transmission d’information est un enjeu critique de toute grosse production, et elle n’est jamais, jamais parfaite.

Il faut toujours chasser l’info, la transmettre, il arrive souvent de tomber sur un truc important complètement au hasard. Les producteurs sont censés être là pour mettre ces processus en place mais ils sont souvent surbookés, et cela dépend aussi de la volonté et de la réactivité de chacun.

Enfin, je trouve qu’il n’y a pas assez d’échange de feedback critique d’un domaine à l’autre. De manière mesurée, avoir le point de vue critiques d’autres professions sur son travail aiderait beaucoup à la cohésion du jeu, et tout simplement à avoir un regard extérieur sur son propre boulot.

Le manque de cette pratique est probablement dû au fait que les gens ont la tête dans le guidon et n’ont pas le temps de réfléchir suffisamment au travail des autres, et surtout au fait qu’il est toujours difficile de donner et recevoir la critique.

Personnellement, on m’a déjà pointé des éléments qui posaient souci dans mon boulot ; parfois je savais qu’au final ça allait marcher donc je ne changeais rien, mais j’ai bien souvent pris la critique en compte et les modifications résultantes ont été très bénéfiques.

 

 

GGS : Il est assez tristement connu que le milieu du jeu vidéo paye assez mal les gens de la production. En dehors du marketing, on entend souvent « Vous travaillez pour l’honneur, pour votre passion etc.. » et on demande assez facilement des sacrifices, tant financiers que personnels (horaires par exemple).

Est-ce si vrai qu’on le dit ?

Thomas Planques : Tellement 😛    Déjà, vu le niveau d’études, les salaires sont plutôt bas. On n’est pas à la rue non plus, mais quand je vois d’autres amis à moi avec le même niveau d’études dans d’autres domaines, la différence pique un peu. Après, c’est aussi le prix d’être heureux de se lever le matin. J’aime profondément mon travail, j’aime l’ambiance, j’aime les gens qui m’y entourent. C’est suffisamment exceptionnel pour que cet inconvénient ne me dérange pas.

Pour en revenir au problème, ça dépend aussi des boîtes. Certaines sont plus sales que d’autres, des scandales connus comme EA Spouse ou récemment Gameloft Inde aident à médiatiser cette situation et parfois à la rectifier. En ce qui me concerne, j’ai vu des gens autour de moi bosser d’arrache-pied et ne pas compter leurs heures, mais ça n’a jamais été mon cas. Oui on est passionnés, OK, mais on est des employés, on fait un travail, celui-ci doit être payé, point. Il faut savoir poser ses propres limites et les faire comprendre. Certains sont capables de sacrifier gratuitement une grande partie du temps et de l’énergie de leur vie personnelle pour un projet, grand bien leur fasse ; en ce qui me concerne je ne le ferai que quand je travaillerai pour mes propres projets.

J’ai donc fait mon content d’heures sup, mais jamais sous la menace, et toujours payées. Récemment, Don’t Nod en particuliers étaient hyper réglo là-dessus, vraiment clean. Après, j’ai sans doute eu de la chance, et il doit y avoir plein de boîtes où c’est vraiment difficile.

 

 

GGS : Penses-tu que c’est acceptable ? Les patrons étant ce qu’ils sont, bien souvent ils demandent implicitement aux jeunes pour décrocher leur premier emploi de faire des sacrifices. Pourtant ils sont les premiers à profiter de tout cela, et savent que beaucoup attendent dehors la place de celui qui refusera ce genre de condition.

Que penses-tu de tout cela ?

Thomas Planques : Dans les patrons de studio, pour ce que j’en ai vu, il y a effectivement des connards qui veulent s’en mettre plein les poches, et eux sont vraiment très très méchants, mais ce cas est tellement évident qu’il n’est pas intéressant (à part ajouter qu’en début de carrière, il vaut mieux une place de merde mal payée que pas de place du tout, l’important étant vraiment de construire de l’expérience au début. Et puis on n’en meurt pas, hein).

C’est plutôt sur la relation éditeur-développeur qu’on peut développer. Les éditeurs sont un peu les patrons des développeurs, puisque ce sont eux qui détiennent l’argent.

Et quand il n’est pas un méchant bâtard capitalisto-égoïste, le patron du studio est juste un mec au quotidien difficile qui essaie de faire vivre son studio et ses employés en négociant la moindre clopinette auprès du méchant éditeur qui, lui, veut un retour sur investissement maximum.

D’un côté, c’est intéressant de remarquer que le marketing, qui ne travaille pas sur le jeu lui-même, est bien plus payé et mieux considéré par l’éditeur que le studio développeur : exemple typique, il arrive communément que l’ensemble des personnes du marketing reçoive un exemplaire du jeu, alors que l’éditeur n’en réserve que pour 20% des employés du studio.

Ça leur coûterait vraiment si cher, quelques dizaines de boîtes en plus ? C’est vraiment symptomatique d’un problème dans la relation.

Après, je ne dis pas que le salaire du marketing pompe celui des développeurs car je ne connais pas assez comment fonctionne ce domaine, juste qu’étrangement, le studio développeur est parmi tous les acteurs le moins considéré par l’éditeur – sans doute parce que comme pour les jeunes GD aspirants, il y en a tellement qui, comme tu dis, « attendent dehors la place de celui qui refusera ce genre de condition ».

Le problème est de toute façon le coût actuel de production d’un jeu vidéo. Il devient tellement élevé qu’il faut économiser partout, donc pourquoi pas sur la main-d’œuvre passionnée. Peut-être qu’en mûrissant, le milieu va mieux se blinder : arrêter de dire oui à tout, se fédérer, se renforcer pour être plus capable de choses comme la grève des scénaristes d’Hollywood de 2007. C’est aussi à nous de faire arriver ça, on ne va pas attendre que ce soient les patrons qui changent des fonctionnements qui les arrangent.

Il y a enfin le problème des très nombreux intermédiaires des circuits de distribution physiques, qui coûtent énormément. Au final, entre ces intermédiaires, le marketing, et le pourboire de la serveuse, le studio touche 10% du prix de vente d’un jeu en boutique. Rien de surprenant dans ces problèmes de salaire à partir de là. Et pour cela, le dématérialisé va largement aider, puisque Steam et la plupart des autres acteurs prennent grossièrement 30% du prix de vente, ce qui laisse une marge bien plus grande. Et oui chers collectionneurs, le sauvetage des jeux vidéo passera par la voie tant honnie du dématérialisé ! Certes, ça me fait mal aussi de ne pas pouvoir tenir mon beau boîtier flambant neuf dans mes pognes fébriles, mais si cela permet aux studios de mieux vivre et offrir de meilleurs jeux, ça vaut le coup d’y réfléchir à deux fois, non ?

 

 GGS : Que penses-tu du monde du jeu vidéo actuellement ?

Thomas Planques : Il y a tellement à dire. En quelques points…

Les joueurs à l’ancienne comme nous sont blasés pour la plupart car ils ne retrouvent pas l’esprit des jeux d’avant : les japonais se sont sévèrement vautrés avec l’entrée des consoles actuelles, pour plein de raisons, et peinent à se renouveler aujourd’hui. En résulte une mainmise occidentale sur le jeu vidéo, et un esprit très différent. Là où les occidentaux peuvent créer des jeux indépendants très intéressants, on remarque au niveau des AAA (prononcez ‘Triple A’, nom donné dans le jargon aux grosses productions) sur console un esprit forcément différent de celui des japonais, beaucoup plus hollywoodien, souvent plus superficiel. Je crois que ça manque beaucoup aux joueurs console qui ont connu les japonais dans leur grandeur. Après, tout est cyclique et les japonais reviendront, d’une manière ou d’une autre.

Un autre grand schéma actuel est la radicalisation des clivages de budgets entre les différents types de production : un gros jeu coûte aujourd’hui extrêmement cher à produire. Le public s’habitue aux plus hauts standards de graphisme/animation/etc, et s’attend pour un jeu à 70€ à en prendre plein les yeux. Pour les jeux assimilés à du AAA, impossible donc aujourd’hui d’être « moyen » au niveau technique, et de sortir un jeu privilégiant la forme au fond. Pas possible du faire « double A » en somme – à quelques exceptions près, comme Atlus avec Catherine par exemple, et là il faut savoir taper juste et parler à sa petite niche de joueurs ; difficile, mais jouable avec du talent.

À l’opposée, dans la tranche la plus basse, on trouve les jeux indépendants. Du fait de leur petit prix et de leurs multiples innovations, le public leur pardonne une technique certes modeste, mais souvent bien exploitée. Ce mouvement ne fait que s’amplifier, et le budget de ces jeux augmente donc de plus en plus.

Pour résumer, les gros jeux comme les petits coûtent de plus en plus cher, sauf que les gros atteignent le moment critique où ils coûtent plus d’argent qu’ils n’en rapportent.

La faute à qui ? Sans vouloir faire dans la politique ou la philosophie de comptoir, à la course en avant typique de la société actuelle : il faut toujours plus grand, plus beau, plus nouveau. On n’a pas le temps de maîtriser une technologie qu’elle est déjà dépassée, car il faut vendre à nouveau. Alors les constructeurs créent du matériel toujours plus puissant, forçant les jeux à engloutir des sommes toujours plus faramineuses pour exploiter celui-ci correctement.

Trop faramineuses aujourd’hui : les studios désireux de faire du AAA se font graduellement racheter par les gros éditeurs, qui sont de moins en moins créatifs, perdent quand même de l’argent avec la moitié de ces productions, et se rattrapent sur les jeux mobiles et casual, qui pour le coup n’ont aucune âme et n’ont d’autre but que de faire de l’argent – actuellement tout du moins, c’est pourquoi je n’en parle pas plus ici.

Pour « sauver » le AAA, je pense que les constructeurs devraient aujourd’hui travailler non sur la puissance pure de leurs plate-formes, mais plutôt sur les outils qu’ils fournissent pour travailler dessus : il y a énormément à faire pour automatiser, faciliter, mutualiser certaines productions – l’augmentation de l’utilisation du middleware le prouve. L’heure ne devrait plus être à améliorer la puissance, mais bien la manière de l’utiliser. Certains développeurs français essaient aussi par exemple de travailler ensemble à un même moteur, à échanger des technologies : ça serait certainement une voie extrêmement gratifiante pour tout le monde aussi, encore presque pas explorée aujourd’hui.

Le problème est que tout ceci n’est pas près de bouger – plus la machine est grosse, plus elle bouge lentement. Personnellement, je place donc plutôt mes espoirs du côté des jeux indépendants : ceux-ci vont bénéficier de la mutation profonde que suivent actuellement les modèles de distribution et de financement, et qui est plutôt à l’avantage des développeurs : le crowdfunding, le dématérialisé, vont permettre d’assouplir cette « tyrannie » des éditeurs sur les développeurs, tout en permettant à ces derniers de proposer directement au public des œuvres plus personnelles et plus ambitieuses.

Tout bouge très vite dans le jeu vidéo de toute façon. Tous les ans, un nouveau buzz, un nouvel Eldorado… Facebook, iPhone, tablettes, Free-to-play, Kickstarter, demain Ouya, réalité augmentée, lunettes… La donne change tout le temps et il est très difficile de se projeter ne serait-ce que dans quelques années. Ce qui est sûr, c’est que le jeu va s’inscrire dans la vie quotidienne de chacun, par mille formes très différentes, et qu’on n’est pas près de voir la fin de ces changements. Qu’on le veuille ou non, le jeu à l’ancienne laisse place à d’autres modèles ! Après, rien ne dit que notre niche de passionnés ne survivra pas, il faut juste l’y aider et la faire évoluer dans le bon sens, dans le nouvel environnement dans lequel elle vit.

Enfin, et c’est le point qui a le plus d’importance pour moi, le jeu doit sortir de son état de simple divertissement, et s’assumer en tant que medium artistique.

Beaucoup de jeux ont déjà transmis des choses par le passé ; au fur et à mesure, le jeu évolue, comprend et forme ses propres codes et particularités, comme l’a fait le cinéma il y a un siècle, mais c’est encore très lent.

Même parmi les professionnels, énormément de gens ne le voient que comme un amusement, un jouet, alors que c’est un des media les plus riches de l’Histoire et qu’il est possible de transmettre un nombre incroyable de nouvelles choses avec.

Le jeu a cela d’unique qu’il comporte un gameplay, qui peut lui-même aller au-delà de la simple mécanique amusante pour exprimer des valeurs et des thématiques, comme l’ont fait Ico ou Shadow of the Colossus.

Et il place le joueur en tant qu’acteur de l’histoire, ce qui peut créer une expérience unique, comme l’a fait récemment The Walking Dead.

Pour moi, il y a donc tout à faire pour que le jeu vidéo dise plus, transmette plus, et ça passe par un travail autant au niveau des créatifs que du public.

 

 

GGS : Dans les dernières news connues, y a-t-il quelque chose qui attire ton attention de façon positive ?

Thomas Planques : Pas vraiment une news, mais la sortie en France de Ni no Kuni.

Certes, le jeu ne semble pas parfait mais ça n’est pas la question. Déjà ça montre que les japonais sont encore là, et savent inventer de nouvelles manières de faire ce qu’ils font de mieux : des jeux oniriques, naïfs (dans le bon sens du terme), enchanteurs.

C’est aussi un exemple de véritable collaboration entre deux monstres sacrés de leur domaine respectif, ça ouvre des perspectives énormes si ce genre de choses se renouvelait. Enfin, ça montre que des créations typiquement japonaises peuvent trouver leur public en Occident si les japonais assument leur patrimoine culturel et arrêtent de singer les occidentaux, et ça, c’est extrêmement important pour leur retour sur le marché.

 

 

GGS : … de façon négative ?

Thomas Planques : Le récent scandale de Gameloft Inde. En dehors des évidences qu’on peut dire sur ce cas particulier, cela montre de manière générale à quel point certains acteurs (importants) du jeu vidéo se moquent totalement des procédés employés dans leur unique objectif de faire de l’argent. On ne parle même plus de faire des jeux de qualité ou pas ; juste du respect, ou plutôt ici du mépris, de l’humain et de valeurs éthiques de base. C’est extrêmement malsain.

 

 

GGS : Regrettes-tu l’ancien temps du jeu, le temps des cartouches, du retrogaming disons ? Si oui, qu’avons-nous perdu avec les années selon toi ?

Thomas Planques : Ce côté « On est entre nous et on se comprend. », un esprit gamer plus simple, où le jeu était une communauté plus réduite, où il y avait moins de bruit et les choses étaient plus claires. Aujourd’hui, on a parfois l’impression de faire des trucs énormes pour des foules sans visage de gens pas forcément si passionnés. Tout est plus varié, plus gros, plus impressionnant, plus ci, plus ça, certes, mais pas forcément plus magique. Il y a toujours de la qualité mais il faut aussi creuser plus pour la chercher.

Mais bon, la complexité augmente, c’est logique, et même souhaitable. Les choses avancent, on peut regretter certains éléments du passé mais il faut avancer avec la machine, ne serait-ce que pour l’aider à aller dans la bonne direction.

 

 

GGS : As-tu une collection de jeux vidéo ?

Thomas Planques : Oui. Je suis bien tombé dedans toujours grâce au meilleur pote susmentionné, et j’aime le rapport à ce que symbolise l’objet, l’époque, les valeurs qu’il porte en lui.

 

J’ai surtout collectionné les éléments en lien avec ce qui me passionne dans le jeu vidéo : tout ce qui est RPG, et plus particulièrement ce qui est lié à certains d’entre eux en particulier qui ont marqué mon histoire personnelle, tels Chrono Cross, Final Fantasy VIII et Xenogears.

Mais aujourd’hui je collectionne beaucoup moins, car plus le temps, plus l’argent, plus la place. Je préfère concentrer mon énergie pour créer ce qui se collectionnera un jour que pour faire ma propre collec.

 

 

 

 

GGS : Tu dois certainement récupérer de l’information et de la référence des autres productions de jeux pour t’inspirer et t’aider dans ton travail. Sur quels autres supports (médias, livres etc.) te bases-tu pour récupérer de la référence et des idées ?

Thomas Planques : Tout ce qui fait vivre, bouger mon cerveau. Une fois j’ai eu une idée devant une pub à la con dans le métro, la moindre association d’idée peut mener quelque part. La notion de schéma de fonctionnement est au cœur de la notion de gameplay et donc de la nature même du jeu, et la vie n’est que schémas de fonctionnement qui s’appliquent à ce qui existe dans le monde. Donc tout peut être exprimé par un jeu, et tout peut donner une idée pour un jeu.

En dehors de ces réflexions hautement métaphysiques, je m’intéresse évidemment à divers univers fantastiques et de science-fiction, via livres/BD/cinéma, mais aussi aux domaines de la philosophie et de l’ésotérisme, qui expriment des choses fondamentales sur l’être humain.

J’essaie de voyager, m’intéresser à des nouvelles cultures, de nouveaux courants. Dès que j’ai l’occasion de voir une chose que je ne connais pas, et de la comprendre, je saute dessus car ça ne peut que m’enrichir.

Tout moyen est bon pour trouver le surgissement de beauté et de sens dans l’existence, et l’exprimer via le jeu.

 

 

 GGS : As-tu d’autres collections que les jeux vidéo ?

Thomas Planques : Les « Livres dont vous êtes le héros » ! Comme beaucoup sans doute ici j’en ai dévoré un bon paquet quand j’étais gamin, et la nostalgie m’a poussé à me faire ma petite collection – si vous en avez qui traînent dans votre grenier, contactez-moi ^___^

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Un petit QCM pour finir 🙂

 

Tu es plutôt ?

→ PC ou MAC ?

PC.

→ Nintendo ou SEGA ?

Nintendo… Enfin ça c’était avant.

→ Final Fantasy ou Dragon Quest ?

Final Fantasy… Merde, ça aussi c’était avant.

→ Street Fighter ou KOF ?

Street Fighter, mais doucement casu hein.

→ Localisation FR ou UK ?

UK… Ayant bossé dans la trad je sais assez comment c’est fait pour chercher la VO dès que je peux^^

→ NTSC JAP ou NTSC USA ?

NTSC USA, mes notions de jap sont malheureusement bien limitées…

→ Cheveux longs ou courts ?

Longs !

→ Bière ou Vin ?

Dur dur… Les deux ? Du moment qu’on ne mélange pas !

→ Rock ou Rap ?

Ni l’un ni l’autre… Death to all but metal 😛

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GGS : Merci Thomas d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et bonne continuation !

Thomas Planques : Merci à vous et que l’esprit du Gamer soit avec vous 😉

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Le site portfolio de Thomas Planques

Envie d’en voir plus : une petite conférence avec une intervention de Thomas Planques

Prochain Chapitre sur ce gros dossier : les Graphistes / DA.

@Minouche

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Retrogamer, collectionneur et fan de culture geek en tout genre.

2 commentaires

  1. Merci à Minouche et Thomas 🙂
    Article bien documenté, avec des questions pertinentes, comme on aimerait en voir plus souvent.

    D’intéressants aperçus, auxquels ont ne penserait pas forcément (telles la compartimentation involontaire en fonction des professions, ou la perception des développeurs de la “course à l’armement” du hardware).

    Sans surprise, on retrouve beaucoup des comportements mentionnés plus haut dans les autres milieux créatifs.
    Je partage notamment avec Thomas son aigreur au vu de la reconnaissance (et du salaire) des commerciaux -XD-
    Pour enfoncer le clou, les entendre formuler à mi-voix leurs vannes écoeurantes (du genre “qu’est ce qu’il sont cons, ces ouvriers !”), a achevé de détruire leur capital sympathie pour moi.
    Disons qu’ils sont un mal nécessaire …

    Quant à cette certitude que la dématérialisation sauvera le jeu vidéo … très difficile de prendre en compte tous les facteurs pour l’affirmer. C’est un sujet récurrent d’embrouille entre nous … nous saurons bien assez tôt ce qu’il en est.

  2. Pingback: Jeu vidéo : chapitre 3 : monter sa boite en france - Tuesday Quest

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